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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/163

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le dramatiste. ― tragédies

Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes,
Pour toi, pour l’univers est mort en ces lieux mêmes ;
En ces lieux où mon bras le servit tant de fois,
En ces lieux où son sang te parle par ma voix.
Vois ces murs, vois ce temple envahi par tes maîtres :
Tout annonce le Dieu qu’ont vengé tes ancêtres.
Tourne les yeux ; sa tombe est près de ce palais.
C’est ici la montagne où, lavant nos forfaits,
Il voulut expirer sous les coups de l’impie ;
C’est là que de sa tombe il rappela sa vie.
Tu ne saurais marcher dans cet auguste lieu,
Tu n’y peux faire un pas sans y trouver ton Dieu ;
Et tu n’y peux rester sans renier ton père,
Ton honneur qui te parle, et ton Dieu qui t’éclaire.
Je te vois dans mes bras et pleurer et frémir ;
Sur ton front pâlissant Dieu met le repentir :
Je vois la vérité dans ton cœur descendue ;
Je retrouve ma fille après l’avoir perdue ;
Et je reprends ma gloire et ma félicité

En dérobant mon sang à l’infidélité.
 
 
ZAÏRE
Ah ! mon père !

Cher auteur de mes jours, parlez, que dois-je faire ?

LUSIGNAN

M’ôter, par un seul mot, ma honte et mes ennuis ;
Dire : « Je suis chrétienne. »

ZAÏRE
Oui… seigneur… je le suis.
LUSIGNAN

Dieu, reçois son aveu du sein de ton empire !

Tancrède, qui offre cette particularité de versification qu’elle est écrite envers «croisés», comme le dit l’auteur (ou plus exactement en vers à rimes tantôt croisées, tantôt embrassées), est encore une tragédie du genre