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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/166

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Voltaire

beaucoup plus compliquée que Polyeucte et même quelquefois un peu obscure, malgré la très grande habileté d’exposition et de débrouillement de l’auteur.

Mais, ce à quoi Voltaire tenait le plus, il y a surtout une opposition entre les mœurs barbares et fanatiques et les vertus d’un chrétien tolérant et éclairé. « La religion d’un barbare, dit Voltaire dans son Discours préliminaire, consiste à offrir à ses dieux le sang de ses ennemis. Un chrétien mal instruit n’est souvent guère plus juste… Celle du chrétien véritable est de regarder tous les hommes comme ses frères, de leur faire du bien et de leur pardonner le mal… Tel j’ai peint Henri IV, même au milieu de ses faiblesses. On trouvera dans tous mes écrits cette humanité qui doit être le premier caractère d’un être pensant. »

L’esprit d’humanité et de tolérance est représenté dans Alzire par Alvarez, ancien gouverneur du Pérou, qui recommande sans cesse à son fils Gusman, gouverneur actuel, la douceur, la pitié et la charité envers les aveugles et même envers les coupables. Voici comment, dès le commencement de la pièce, il parle à son fils :

ALVAREZ

Ah ! mon fils, que je hais ces rigueurs tyranniques !
Les pouvez-vous aimer, ces forfaits politiques ?
Vous, chrétien, vous choisi pour régner désormais
Sur des chrétiens nouveaux, au nom d’un Dieu de paix
Vos yeux ne sont-ils pas assouvis des ravages
Qui de ce continent dépeuplent les rivages ?
Des bords de l’Orient n’étais-je donc venu
Dans un monde idolâtre à l’Europe inconnu,
Que pour voir abhorrer sous ce brûlant tropique
Et le nom de l’Europe, et le nom catholique ?
Ah ! Dieu nous envoyait quand de nous il fît choix,
Pour annoncer son nom, pour faire aimer ses lois