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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/174

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Voltaire

LA MARQUISE

Oui, tu le peux, tu le dois ; c’en est fait :
Je ne tiens pas contre ce dernier trait ;
Il nous dit trop combien il faut qu’on t’aime ;
Il est unique aussi bien que toi-même.

NANINE

J’obéis donc à votre ordre… à l’amour…
Mon cœur ne peut résister.

LA MARQUISE

Soit des vertus la digne xxxQue ce jour
Soit des vertus la digne récompense ;
Mais sans jamais tirer à conséquence.

La Prude encore, sans avoir la petite pointe d’attendrissement honnête qui donne un grand charme à Nanine, est une anecdote dialoguée assez divertissante et souvent fort spirituelle. Elle est imitée d’une comédie anglaise de Wicherley, intitulée Plain dealer, l’homme au franc procédé. Le personnage principal, la Prude, Dorphise, est une sorte de Tartuffe féminin assez bien attrapé. Extérieurement elle est toute vertu ; elle est à la tête de sociétés dont l’objet est de moraliser et de ramener à une décence rigoureuse la jeunesse des deux sexes. En son privé elle est un peu différente. Elle a séduit par son austérité apparente l’austère Blanford, l’homme au franc procédé. Celui ci est aimé d’une jeune fille vertueuse, vraie et naïve, nommée Adine, qui gémit sur l’illusion où s’entretient celui qu’elle aime. C’est elle qui fait l’exposition de la pièce par une conversation avec son oncle Darmin :

ADINE

On la dit belle ; il l’aimera toujours ;
Il est constant.