« À l’égard du cheval du roi des rois, vous saurez que me promenant dans les routes de ce bois, j’ai aperçu les marques des fers d’un cheval ; elles étaient toutes à égale distance : « Voilà, ai-je dit, un cheval qui a le galop parfait. » La poussière des arbres, dans une route étroite qui n’a que sept pieds de large, était un peu enlevée à droite et à gauche, à trois pieds et demi du milieu de la route : « Ce cheval, ai-je dit, a une queue de trois pieds et demi, qui, par ses mouvements de droite et de gauche, a balayé cette poussière. » J’ai vu sous les arbres, qui formaient un berceau de cinq pieds de haut, les feuilles des branches nouvellement tombées ; et j’ai connu que ce cheval y avait touché et qu’ainsi il avait cinq pieds de haut. Quant à son mors, il doit être d’or à vingt-trois carats ; car il en a frotté les bossettes contre une pierre de touche dont j’ai fait l’essai. J’ai jugé enfin, par les marques que ses fers ont laissées sur des cailloux dune autre espèce, qu’il était ferré d’argent à onze deniers de fin. »
Tous les juges admirèrent le profond et subtil discernement de Zadig ; la nouvelle en vint jusqu’au roi et à la reine. On ne parlait que de Zadig dans les antichambres, dans la chambre et dans le cabinet, et quoique plusieurs mages opinassent qu’on devait le brûler comme sorcier, le roi ordonna qu’on lui rendit l’amende des quatre cents onces d’or à laquelle il avait été condamné.
Le greffier, les huissiers, les procureurs vinrent chez lui en grand appareil lui rapporter ses quatre cents onces d’or ; ils en retinrent seulement trois cent quatre-vingt-dix-huit pour les frais de justice, et leurs valets demandèrent des honoraires.