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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/216

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Voltaire

Tous les honneurs sont fondés sur le bien.
L’antiquité tenait pour axiome
Que rien n’est rien, que de rien ne vient rien.
Du genre humain connais quelle est la trempe,
Avec de l’or je te fais président,
Fermier du roi, conseiller, intendant.
Tu n’as point d’aile et tu veux voler ! Rampe !
— Hélas : Monsieur ! déjà je rampe assez…

Le malheureux, en effet, a tenté de tous les métiers où il n’était pas besoin d’argent pour entrer. Il n’a réussi à aucun. Il songe à retourner au premier. Quel était-il ? Le métier des lettres.

Quelle était donc cette vie ? — Un enfer,
Un piège affreux tendu par Lucifer.
J’étais sans biens, sans métier, sans génie,
Et j’avais lu quelques méchants auteurs.
Je croyais même avoir des protecteurs ;
Mordu du chien de la Métromanie,
Le mal me prit : Je fus auteur aussi.
— Ce métier-là ne t’a pas réussi.
Je le vois trop. Ça, fais-moi, pauvre diable,
De ton désastre un récit véritable.
Que faisais-tu sur le Parnasse ? — Hélas !
Dans mon grenier, entre deux sales draps,
Je célébrais les faveurs de Glycère.
Ma triste voix chantait d’un gosier sec
Le vin mousseux, le frontignan, le grec,
Buvant de l’eau dans un vieux pot à bière ;
Faute de bas, passant le jour au lit.
Sans couverture ainsi que sans habit,
Je fredonnais des vers sur la mollesse,
D’après Chaulieu je vantais la paresse.

Pour échapper aux tortures de la faim, il s’est mis aux gages de Fréron, le journaliste, et là « mentit pour dis écus par mois. » Peu récompensé du reste. Son