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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/78

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Voltaire

Car il sut plaire comme elles.
Aujourd’hui plus généreux,
Il fait des chansons nouvelles
Pour un vieillard malheureux.

Je supporte avec constance
Ma longue et triste souffrance,
Sans l’erreur de l’espérance ;
Mais vos vers m’ont consolé ;
C’est la seule jouissance
De mon esprit accablé.

« Je ne peux aller plus loin, monsieur. M. Tronchin [son médecin, témoin du triste état où je suis, trouverait trop étrange que je répondisse en mauvais vers à vos charmants couplets. L’esprit d’ailleurs se ressent trop des tourments du corps ; mais le cœur du vieux Voltaire est plein de vos bontés. »

Enfin le 26 mai, dans son lit de mort, on lui apporta la nouvelle que Lally-Tollendal, qui avait été condamné et exécuté injustement, et dont Voltaire avait poursuivi avec acharnement la réhabilitation, venait en effet d’être réhabilité solennellement, par cassation de l’arrêt du parlement qui l’avait condamné. Voltaire se réveilla de l’assoupissement où il était plongé depuis quelques jours, pour écrire au fils de Lally :

« Le mourant ressuscite en apprenant cette grande nouvelle. Il embrasse bien tendrement M. de Lally. Il voit que le roi est le défenseur de la justice. Il mourra content. »

Il s’éteignit le 30 mai 1778, âgé de quatre-vingt-trois ans six mois et dix jours.

Son corps fut transporté, par les soins de son neveu, l’abbé Mignot, à l’abbaye de Scellières, en Champagne. Il en fut ramené en 1791, par ordre de l’Assemblée nationale, et conduit au Panthéon le 41 juillet avec une pompe triomphale. Le bruit a couru que sous la