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CXVII

LE SUPPLICIÉ


Sur un écueil battu par la vague plaintive…
(Lamartine).


Comme sous le coup de couteau d’un mauvais rêve
Déchirant la trame élastique du sommeil,
Soudain l’atroce vision m’étreint, m’enlève
Au travail somnolent par un brusque réveil :

Je vois un malheureux incrustant sur la plage
Sa marche d’aujourd’hui dans sa marche d’hier,
Et tournant, et tournant comme une bête en cage,
Dans la prison de sable où l’enferme la mer ;

Et la monotone voix des vagues lui pressure
Goutte à goutte Avec implacable placidité
Le supplice et minute à minute lui mesure
Une à une battues pendant l’éternité,

Les heures et les heures qu’il lui reste à vivre ;
Il agonise ainsi, doucement déchiqueté
Sur le sol de cuivre et sous le soleil de cuivre.


18 juin 98.