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LV

« LA DÉBÂCLE »


Trouez, baïonnette ! et hache, mitraille !
Et mâche, canon ! de l’homme ! à pleins tas !
Gorge-toi, carnage, à crever ! qu’entrailles
Et, membres en charpie, et sang, et cheveux gras,

Dégoulinent pêle-mêle de tes crocs qui fument
Sur ton distendu ventre et le long de tes bras !

C’est un peuple pourri et mangé d’apostumes,
Que saigne le destin, sauveteur sans pitié !
Taille, vieux chirurgien ! que la chair saigne et fume
Sous ton inexorable et sinistre amitié !…

Et pendant cela, l’éternel paysan sème
Sous la tuerie et sans s’en émouvoir, sans même
L’apercevoir, le blé fécond et nourrissant :
La terre calmement s’engraissera du sang
D’elle-même sorti, engraissera de même
Le blé qui nourrira les hommes innocents,
Afin qu’on vive encore, et qu’on meure, et qu’on aime.

19 avril 98.