Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/163

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que Jupiter prodigue d’immenses trésors. Plus des parens nombreux redoublent de soins et plus la fortune s’augmente. Si ton cœur désire la richesse, suis mon précepte : ajoute sans cesse le travail au travail.

Commence la moisson (27) quand les Pléiades, filles d’Atlas, se lèvent dans les cieux, et le labourage quand elles disparaissent ; elles demeurent cachées quarante jours et quarante nuits, et se montrent de nouveau lorsque l’année est révolue, à l’époque où s’aiguise le tranchant du fer. Telle est la loi générale des campagnes pour les colons qui habitent les bords de la mer ou qui, loin de cette mer orageuse, cultivent un sol fertile dans les gorges des profondes vallées. Sois toujours nu quand tu sèmes, nu quand tu laboures et nu quand tu moissonnes, si tu veux exécuter à propos tous les travaux de Cérès, voir tes fruits parvenir à leur maturité et n’être pas forcé, dans ton indigence de parcourir en mendiant les maisons étrangères sans rien obtenir. Déjà tu es venu près de moi, mais je ne te ferai plus ni aucun don ni aucun prêt. Travaille, imprudent Persès ! travaille à ces ouvrages que les dieux imposèrent aux hommes ; tremble d’être contraint dans la douleur de mendier ta nourriture avec ta femme et tes enfans et d’implorer des voisins qui te mépriseront : ils te donneront deux et trois fois, mais si tu les importunes encore, tu n’obtiendras plus rien et tu perdras ton temps en paroles ; tes longs discours seront inutiles. Je te conseille plutôt de payer tes dettes et d’éviter la famine.

Procure-toi d’abord une maison, un bœuf laboureur et une esclave non mariée qui suivra tes troupeaux ; rassemble chez toi tous les instrumens nécessaires à l’agriculture pour ne pas en demander aux autres et ne pas en manquer si tu éprouvais un refus : alors tu verrais le temps s’écouler et l’ouvrage en souffrirait. Ne remets pas tes travaux au lendemain ni au surlendemain : l’homme qui reste oisif ou qui diffère d’agir ne remplit pas ses granges. L’activité double la richesse. Celui qui temporise lutte toujours avec le besoin.

Lorsque le soleil ne darde plus les rayons de sa brûlante chaleur, lorsque, pendant l’automne, les pluies du grand Jupiter rendent le corps humain plus souple et plus léger (car alors l’astre du Sirius roule moins longtemps pendant le jour sur la tête des malheureux mortels et prolonge davantage sa course nocturne), lorsque les arbres coupés par le fer sont moins exposés à la carie, quand leurs feuillages tombent et leur sève s’arrête, songe que c’est le temps d’abattre les bois nécessaires à tes travaux. Façonne un mortier de trois pieds, un pilon de trois coudées et un essieu de sept pieds : telle est la mesure la plus convenable ; taille ensuite un maillet de huit pieds et arrondis une jante de trois palmes pour un char qui en aura dix ; prépare beaucoup d’autres morceaux de bois recourbés. Lorsque, en parcourant la montagne ou la plaine, tu auras trouvé un manche d’yeuse, apporte-le dans la maison, c’est l’instrument le plus solide pour servir au labourage ; qu’un élève de Pallas, l’attachant avec des clous, le fixe au dental et l’adapte au timon. Alors construis dans ta demeure deux charrues, l’une d’une seule pièce, l’autre de bois d’assemblage ; rien n’est plus utile, puisque si tu brises l’une, tu pourras atteler tes bœufs à l’autre : c’est le laurier ou l’orme qui forme les timons les plus forts ; que le dental soit de chêne et le manche d’yeuse. Achète deux bœufs de neuf ans ; à cet âge leur vigueur est infatigable ; parvenus au terme de la jeunesse, ils sont encore propres aux travaux : tu ne craindras point qu’en se disputant ils ne brisent la charrue au milieu d’un sillon et ne laissent l’ouvrage imparfait. Qu’un homme de quarante ans les accompagne, après avoir mangé en huit bouchées un pain divisé en quatre parties ; tout entier au labour, il tracera des sillons toujours droits, ne détournera point ses yeux sur ses camarades et tiendra son esprit constamment appliqué à sa tâche : un plus jeune laboureur ne saurait ni répandre la semence avec mesure, ni éviter de la répandre deux fois, car un jeune homme est toujours impatient de rejoindre ses compagnons.

Observe chaque année le temps où tu entendras les cris de la grue retentir du haut des nuages ; c’est elle qui apporte le signal du labour et qui annonce le retour du pluvieux hiver. L’homme qui manque de bœufs sent alors les regrets déchirer son âme. Nourris dans ton étable des bœufs aux longues cornes. Il est aisé de dire : Prête-moi des bœufs et un chariot ; mais il est aisé de répondre : Mes bœufs sont occupés. L’homme riche en imagination parle de construire un chariot ; l’insensé ! il ignore que pour un chariot il faut cent pièces de bois,