Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/285

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il est vrai, de bons conseils ; mais les penchants secrets de notre nature pour nous punir nous dominent toujours, et nous le sentons en nous chacun d’une manière différente.

II.

Jupiter ou le Destin qu’il représente veut que notre ville ne soit jamais détruite ; elle est en outre défendue par la fille illustre du dominateur éternel, Pallas Minerve, qui l’a bâtie de ses mains. Mais hélas ! des citoyens insensés veulent détruire eux-mêmes cette cité superbe par leur amour insatiable de l’or : ceux qui la gouvernent entassant injustice sur injustice hâtent encore sa ruine. Leur immense avidité n’a aucune borne. Ils ignorent que le bonheur de la vie est dans la modération et la tranquillité ; ils ne songent qu’a amasser des richesses par des moyens honteux.

Ils ne respectent ni les propriétés sacrées ni le trésor public ; ils pillent tout ce qui se rencontre au mépris des saintes lois de la justice. Mais cette justice éternelle, silencieuse aujourd’hui, conserve dans sa mémoire leurs coupables rapines ; elle connaît le passé, elle voit le présent, elle arrive à l’heure marquée, elle punit enfin tant d’infamies. C’est par ces raisons criminelles qu’Athènes tout entière se trouve affligée de cruelles souffrances, que nous sommes tombés dans un esclavage insupportable, que nous avons été environnés d’horribles séditions, qu’une guerre cruelle est venue nous dévorer et qu’au bonheur le plus doux ont succédé des maux affreux. Notre ville si puissante et si aimable a été tout à coup opprimée par des hommes féroces : le crime triomphe ; l’homme de bien est exposé à l’outrage ou à la mort. Voilà les malheurs qui sont venus fondre sur Athènes. Et déjà plusieurs de nos citoyens, mis à d’indignes enchères, chargés de liens comme des criminels, sont entraînés ignominieusement dans des régions lointaines.

La calamité publique envahit toutes les maisons particulières ; ni les beaux portiques ni les portes d’airain ne sauraient l’empêcher : elle monte sur les toits les plus élevés et y découvre ceux qui s’y réfugient comme s’ils étaient dans leur lit. Que les Athéniens apprennent ainsi que l’injustice est toujours la ruine des empires. Avec la justice au contraire règne la modération : elle tempère la dureté, elle abaisse l’ambition, elle repousse l’injure et l’outrage ; elle détruit les semences naissantes de la discorde, elle rectifie les jugements, elle calme les cœurs aigris, elle met un frein à la sédition ; sous son gouvernement heureux la sagesse et l’intégrité règlent toutes les actions des hommes.

Athéniens, n’attribuez pas aux dieux les maux qui vous accablent ; c’est l’œuvre de votre corruption : vous-mêmes avez mis la puissance dans la main de ceux qui vous oppriment. Vos oppresseurs se sont avancés avec habileté comme des renards, et vous, vous n’êtes que des imprudents et des lâches : vous vous laissez séduire par la vaine éloquence et par les grâces du langage. Jamais la raison ne vous guide dans les choses sérieuses.

Une force destructive s’échappe de la nue embrasée et de la grêle retentissante ; un tonnerre impétueux sort de l’éclair brillant ; le vent soulève d’immenses orages sur la mer, et souvent par les grands hommes périssent les grands états ; souvent les peuples imprudents se trouvent tout à coup dominés par les usurpateurs. J’avais donné par mes lois une égale puissance à tous les citoyens ; je n’avais rien ôté, rien ajouté à personne ; j’avais ordonné aux plus riches et aux plus puissants de ne rien faire contre les faibles, j’avait protégé les grands et les petits d’un double bouclier d’une force égale de chaque côté, sans donner plus aux uns qu’aux autres ; mes conseils furent méprisés : on en porte la peine aujourd’hui. Mais vous, ô chef généreux des Soliens, qui m’avez donné l’hospitalité, que le ciel conserve votre patrie et votre famille, daignez me renvoyer de votre île glorieuse sur un navire agile ; que la belle Vénus couronnée de violette soit propice à ma navigation, qu’elle bénisse cette terre hospitalière qui m’a accueilli et qu’elle me permette de revoir encore une fois mon Athènes bien-aimée !

Au lieu de naître Athénien, que ne suis-je né plutôt à Pholégandre ou à Sicinium ! car en arrivant à Salamine le bruit va s’y répandre qu’un seul Athénien a peur d’aborder dans son port ; j’y entrerai cependant : elle protégera mon innocence, et sa générosité envers moi réparera la honte de ses anciennes défaites.

III.

L’enfant dans les sept premières années de sa vie voit croître toutes ses dents. Quand le ciel lui