Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

BION ET MOSCHUS,

TRADUITS PAR J.-F. GRÉGOIRE ET F.-Z. COLLOMBET.





PRÉFACE.


Séparateur



I


Nous ne connaissons rien d’aussi misérable et d’aussi puéril que certaines classifications littéraires qui sont dénuées de tout sens et qui néanmoins, à force d’être répétées, finissent par prévaloir entièrement ; il n’en est pas des livres comme de ces choses que l’on doit assigner à telle ou telle espèce, et qui ne sauraient être confondues. Si l’on se demande pourquoi Bion et Moschus figurent ordinairement parmi les poëtes bucoliques, on ne trouvera de cet arrangement singulier d’autre raison que le bon vouloir des savans et des philologues, tant c’est un noble privilège que d’être philologue et savant. Il n’y a certes rien de bucolique dans ces deux poëtes, et leurs diverses compositions participent tour à tour de l’épopée, de l’élégie, de l’idylle, à prendre ce dernier mot suivant sa première acception. Au surplus, qu’importe le genre ? occupons-nous du mérite avant tout.

Il est bien reconnu que Bion et Moschus occupent une belle place dans la poésie grecque et qu’ils ont gardé avec soin les traditions du bon goût, quoiqu’on puisse leur reprocher quelques défauts assez graves. Ils s’étudient moins que Théocrite à copier les formes simples et inspiratrices de la nature ; leur muse délaisse les champs pour prendre les grands airs des cités, mais sa couronne de verdure s’est fanée au milieu du tumulte et de l’agitation.

Moschus et Bion sont trop ornés et font quelquefois parade d’esprit ; ne pouvant donner à leurs tableaux cette forme dramatique, si attachante dans Théocrite, ils se rejettent de préférence vers les objets qui se prêtent à des descriptions : le genre descriptif leur réussit admirablement, il est fait pour leurs forces. En comparant ces deux poëtes entre eux, Moschus mérite néanmoins la préférence pour sa plus grande simplicité. — Nous ne connaissons que peu de circonstancesde leur vie.


II


Bion était né à Smyrne, ou près de cette ville, car dans l’épitaphe que lui fit Moschus, il est nommé fils du Mélès. Suidas[1] le nomme Smyrnéen, et ajoute qu’il a vu le jour dans une campagne nommée Pholossa. Il paraît avoir vécu en Sicile, et y mourut empoisonné.

Nous avons de Bion une grande pièce entière, savoir : son Chant funèbre en l’honneur d’Adonis, Epitaphios Adônidos, en quatre-vingt-dix-huit vers ; les trente-un premiers vers d’une seconde, l’Épithalame d’Achille et de Déidamie, Épithalamios Achilleôs kai Déidamias, et quelques petites idylles. Le chant funèbre d’Adonis est le pendant de celui que Théocrite, en ses Syracusaines, met dans la bouche de la chanteuse argienne. Celle-ci a célébré le retour d’Adonis, Bion déplore sa perte. Ainsi ces deux poëmes nous offrent les deux sections de la fable d’Adonis, sa perte, aphanismos, et sa résurrection, euresis. Le morceau de Bion passe pour son chef-d’œuvre. On ne peut nier que cette pièce ne soit gracieuse et touchante : on y trouve des sentimens doux et des images attendrissantes ; c’est dommage qu’on y remarque aussi l’affectation d’une douleur étudiée. Un défaut plus grave dans ce petit poëme, c’est qu’il manque de variété et surtout de mouvement. Vénus pleure Adonis, les Grâces pleurent Adonis ; les Amours pleurent Adonis ; les Ris mêmes, suivant la traduction de Poinsinet.

« Les Ris pleurent en fouleautour de sa blessure. »

Le titre de l’épithalame d’Achille promet un autre sujet que celui que nous présente le fragment qui nous reste ; dans ce morceau gracieux, il n’est question que de la ruse employée par le fils de Thétis pour tromper Déidamie qui le croit une fille.


III


Les poésies de Bion furent publiées, pour la première fois, avec ce qui nous reste de Moschus, à Bruges, en Flandres, chez Hubert Goltzius, 1565, in-4o, avec une traduction latine et les notes d’Adolphe van Metkerke ; la collection des poésies de Bion et de Moschus ne date proprement que de cette époque.

  1. Sart. Theokritas.