Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/50

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sir de s’unir au héros n’était pas combattu par la pudeur. Tourmentée d’amour, elle livra sa virginité, elle abandonna son esprit à toutes les joies de la couche nuptiale. Plus tard, tu apprendras encore bien d’autres faits.

Quand Médée eut ainsi abandonné en secret la maison d’Ééte, et fut venue à notre navire, nous délibérâmes ensemble pour savoir comment nous parviendrions à arracher la toison d’or du hêtre sacré. Nous apprîmes d’elle comment tout cela pouvait être fait d’une manière bien facile, et aucun de nous ne désespéra de terminer heureusement cette entreprise. Plus tard, les héros rencontrèrent de grandes difficultés, et le gouffre des maux s’ouvrit pour eux ; car devant la maison d’Ééte et devant le fleuve qui était fortifié s’élevait un grand enclos, environné de tours redoutables et de sept murailles. De triples portes immenses et plus loin encore un mur élevé les protégeaient. Sur le seuil de la porte était placée la statue d’une reine qui distribue tous les rayons du feu. Les Colches l’adorent sous le nom de Diane la janitrice (la portière), déesse redoutable par sa présence et par les accens de sa voix pour tous les hommes qui s’approcheraient de ses demeures sacrées sans avoir fait des expiations. La malheureuse Médée, seule dépositaire de ces mystérieuses cérémonies, les avait toujours accomplies en secret, comme prêtresse de cette divinité. Ni habitant ni étranger n’avaient jamais passé le seuil et pénétré dans cette enceinte. La déesse qui habite en ces lieux en éloigne tous les mortels en les faisant garder par des chiens enragés. Dans les portions les plus reculées de cette enceinte se trouve un bois épais composé d’arbres verdoyans, de lauriers, de cornouilliers et de hauts platanes. Des herbes moindres croissent à l’ombre des arbres : l’asphodèle, le capillaire et le beau chèvrefeuille, les primevères, les violettes, le velar, l’orvale et le divin cyclamen, l’hysope et le dictame subtil, l’aconit et plusieurs plantes dangereuses poussent aussi dans cette terre. Au centre du bois s’élève un vaste tronc d’or dominant tous les arbres à l’entour et projetant des rameaux de hêtre. Là une toison d’or pend de chaque côté, suspendue à une longue branche. Elle est gardée par un serpent horrible, merveille redoutable pour les mortels. Il est cuirassé d’écailles d’or, et son corps se déroule en des contours qui forment d’immenses spirales. Tel est ce monstre infernal, gardien vigilant de la toison. Il la garde avec une infatigable persévérance, jamais ne s’endort, et tient toujours fixés sur elle les regards abominables qu’il lance de ses yeux glauques. Nous écoutâmes d’abord attentivement quelle conduite nous avions à tenir pour tromper la surveillance du terrible dragon, ce que Médée nous apprit d’une manière évidente. Nous cherchâmes ensuite si nous n’aurions pas l’espoir de faciliter notre travail, de fléchir la terrible déesse, d’arriver jusqu’à ce monstre dangereux et d’enlever cette toison que nous rapporterions dans notre patrie. Alors Mopsus exhorta les héros, car lui seul possédait l’art de la divination, à me prier d’entreprendre cette œuvre, d’apaiser Diane et d’assouvir la faim de cette bête féroce. Tous réunis autour de moi se mirent donc à me supplier. J’ordonnai alors à Jason de désigner des hommes courageux, le cavalier Castor et Pollux, fameux au pugilat, et Mopsus Ampycide pour accomplir notre travail.

Médée me suivit seule. Quand je fus arrivé au temple et au lieu sacré, je creusai dans le champ une large fosse et amassant des troncs de genévrier, des branches de cèdre aride, de nerprun aigu et de noirs peupliers qui sifflent sous le vent, je construisis une pyramide de bois à côté de la fosse ; Médée, initiée à ces mystères m’apportait tous les objets utiles qu’elle prenait dans les corbeilles au lieu le plus secret du temple. Je préparai sous mes vêtemens les mélanges nécessaires, je les jetai sur le bûcher, j’immolai des victimes, je sacrifiai trois petits chiens noirs. J’y mêlai du vitriol, du strylion, herbe à foulon, et le psyllion difforme et l’organette rouge et le calcimon. J’en remplis le ventre des petits chiens et je les mis ainsi sur le bûcher ; je mélangeai leurs intestins crus avec de l’eau, je les répandis autour de la fosse, et, couvert d’un manteau noir, je récitai des prières favorables. Tisiphone, Alecto et la divine Mégère m’entendirent aussitôt : elles rompirent les barrières de l’empire ténébreux et s’élancèrent sur leur char sanglant en secouant dans leurs mains des torches résineuses. La fosse absorba aussitôt la flamme et le feu pétilla ; et la flamme ardente répandit une immense fumée. Aussitôt se précipitèrent des enfers, au milieu de la flamme, les déesses horribles, redoutables et invisibles. Celle que les enfers appellent Pandore avait un corps de fer ; avec elle, Hécate aux trois têtes, révélant tour