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Les cheveux sont partagés en boucles naturelles : l’une d’elles se relève et laisse le front à découvert. Des rides sillonnent son front et creusent ses joues ; elles semblent moins l’effet de la vieillesse que les traces du malheur et des fatigues de la vie.

L’ensemble n’a cependant pas l’expression de la tristesse, mais celle du calme et de la contemplation.

Si cette tête n’est qu’une création de l’art, on doit admirer le ciseau qui sut donner une telle physionomie au poëte divin.

Si ce n’est point le vrai portrait d’Homère, on ne peut nier que le génie de l’artiste ait vraiment créé une tête homérique.

Outre l’Iliade et l’Odyssée, on attribue à Homère trente-trois hymnes, dont on croit que deux seulement lui appartiennent : on peut en trouver les preuves dans la seconde édition de l’Hymne à Cérès de Rühnken. Ilgen, Matthiæ et Hermann ont essayé, dans les éditions qu’ils ont publiées de ces hymnes, de les rendre à leurs divers auteurs. Sur ce point ils ne peuvent s’appuyer que de conjectures très-vagues et qu’il est permis de ne pas admettre. Nous donnerons la traduction de ces hymnes ainsi que celle de la Bactrachomyomachie, en les laissant à Homère. Quant aux épigrammes et petits poëmes, ils ne portent aucun caractère d’authenticité : les recherches que l’on ferait sur ce point n’amèneraient aucun résultat, et les sujets ne valent pas la peine qu’on s’occupe sérieusement de leur trouver un auteur.

L’histoire des poésies homériques est aussi curieuse et appuyée de témoignages plus certains que l’histoire même d’Homère.

Selon quelques auteurs, Lycurgue aurait le premier réuni les poésies d’Homère[1]. Ayant voyagé durant plusieurs années dans l’Asie Mineure, berceau des arts et de la poésie grecque, il passa à son retour par l’île de Chio et conversa avec Homère, trente-neuf ans après la création de l’Iliade. Il parvint à retrouver des fragmens épars du poëte, fragmens qu’on ne connaissait alors que sous le nom de Rapt de Briséis, de Valeur de Diomède, de Rançon d’Hector, de Jeux sur la tombe de Patrocle. Il copia de sa main toutes ces portions séparées, les joignit habilement ensemble et publia ainsi dans le Péloponèse la première édition du poëte. Trois cents ans plus tard, Pisistrate, tyran d’Athènes, joignant l’intelligence des lettres à l’amour du pouvoir, fonda à Athènes la première bibliothèque publique. Solon, Hipparque et d’autres savans concoururent alors à une nouvelle édition d’Homère qui y prit la première place. De ce jour la gloire du poëte fut proclamée, elle devint nationale[2]. Ceux qui contestent l’existence d’Homère attribuent à Pisistrate la première édition de cette collection des chants héroïques de la Grèce, et considèrent le règne de Pisistrate comme l’époque à laquelle ils furent réunis en un manuscrit complet. Son fils Hipparque ordonna même qu’ils fussent récités tous les ans à la fête des Panathénées, comme capables de ranimer les nobles sentimens et les souvenirs héroïques. Ce fait est rapporté dans l’Hipparque, dialogue attribué à Platon. Cicéron l’a confirmé en laissant à Pisistrate, secondé du poëte philosophe Solon, le mérite d’avoir rétabli l’ordre dans les poëmes d’Homère.

Lors de l’incendie d’Athènes, pendant l’invasion de Xerxès, l’Iliade et l’Odyssée passèrent en Perse et prirent place dans la bibliothèque de Suze, où la conquête d’Alexandre vint les trouver. L’édition particulière rectifiée par Aratus et qui prit le nom d’Aratéenne pourrait être indiquée à cette date. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’Alexandre fit beaucoup pour la gloire d’Homère. Il chargea Anaxarque et Callistène de réviser les recueils de Lycurgue et de Pisistrate, et son instituteur Aristote mit la dernière main à ce beau travail. Le concours de ces trois hommes justement célèbres donna naissance à une édition infiniment précieuse des œuvres d’Homère, connue sous le nom d’Édition de la Cassette[3].

Plus tard, Lénodote d’Éphèse fut chargé par le premier des Ptolémées de revoir et de publier le texte d’Homère. Enfin, la dernière édition de cette haute antiquité est celle que le critique le plus judicieux de son temps, Aristarque, fit paraître sous les auspices de Philométor. Deux mille ans ont passé depuis cette époque, et cependant elle a servi de modèle à toutes les collections des ouvrages d’Homère dans le moyen âge et dans les temps modernes.

Puis vint l’école d’Alexandrie qui se dévoua à l’étude et aux commentaires des œuvres d’Homère. Les recherches furent patientes et dictées par un culte exagéré devenu du fanatisme. Il ne nous en est parvenu que de faibles lambeaux, dans les citations des Scholiastes et d’Eustathe, ou simplement les titres de quelques ouvrages que nous ont transmis Athénée, Étienne de Bysance, Harpocration, Suidas, Ammonius. Selon les savantes observations de Dugas-Montbel, les travaux faits sur Homère pouvaient se diviser en quatre classes, les Commentaires, les Explications, les Dissertations, et enfin les Recherches sur les poésies d’Homère. Quelquefois ces recherches avaient pour objet des parties purement spéciales. Antisthènes avait composé divers traités sur quelques personnages des deux poëmes, tels que Chalcas, Ulysse, Télémaque, Hélène, Pénélope, le Cyclope, etc. Apollodore, Apollonius et Ménogène avaient travaillé sur le catalogue des navires. Héracléon l’Égyptien avait fait un commentaire sur le dix-huitième chant de l’Iliade. Nicanor avait traité de la ponctuation ; Philoxène, des signes critiques ; Ptolomée Pindarion avait écrit sur

  1. Ellian, Hist. Varr. Lib. 7, c. 4.
  2. Diogen. Laerc in Solone. Plato in Hypp.
  3. Plutarch. in Alexand.