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un drôle de voyage.

de faire cuire ; comme les alouettes, ils tombaient tout rôtis dans la bouche.

À l’entendre, la vie libre des forêts était la plus désirable de toutes. Là, nul besoin d’études, nul besoin d’argent ; la nature suffisait à tout.

Désirait-on un cheval, on en trouvait à volonté dans les bois ; on sautait dessus, et tout était dit. Préférait-on un éléphant, on en rencontrait par troupeaux, qui se mettaient à genoux pour qu’on pût, s’asseoir sur leur dos, sans se donner la peine d’y grimper.

Quand Charlot avait longtemps écouté Harrisson avec la plus respectueuse attention, il ressentait comme un vague besoin de traverser de part en part des forêts vierges, de rencontrer des cocotiers, de ramasser des tortues énormes sur le bord des fleuves, d’affronter des torrents et de dormir à la cime des arbres.

Son imagination prenait le galop. Il rêvait la nuit qu’il combattait des sauvages, des bêtes féroces, et qu’il rentrait chez lui couvert de leurs dépouilles — et de gloire !

Il racontait alors son rêve à Mimile, qui d’abord s’enflammait, mais qui bientôt pensait à autre chose de plus pratique, il faut dire, car Mimile, malgré sa pétulance, avait l’esprit juste. Les usines de son père et de son oncle, quand l’âge aurait calmé sa turbulence, pouvaient espérer de trouver en lui un directeur habile. Ses jambes l’entraînaient à mille escapades, mais sa tête le ramenait à une plus droite appréciation des choses.

« Dis donc, dit un jour Charlot à Mimile, c’est aujourd’hui dimanche, j’ai une idée.

— Laquelle ? demanda Mimile en sautillant.