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UN DRÔLE DE VOYAGE.

— Il n’y a pas de mais J’ai dix fois raison ! répliqua Mange-tout-cru avec violence. Comment ! voilà deux marmots qui ont le bonheur d’avoir des papas qui peuvent leur faire faire des études, qui veulent en faire des ingénieurs, et ils se sauvent pour ne pas obéir ! Ah ! ah ! mes petits gaillards ! Vous ne voulez pas étudier pour devenir des ingénieurs ? Très-bien, polissons ; mais alors vous deviendrez de simples hommes de peine, des hommes de corvée ; vous pousserez la brouette. Vous obéirez au lieu de commander… Au lieu d’être bien vêtus, d’avoir de beau linge, de jolies bottines à boutons, de manger du pain blanc et du beefsteak aux pommes de terre, vous serez habillés comme des propres à rien et vous mangerez du pain dur et du fromage moisi. À chacun selon ses œuvres ! Voilà la bonne maxime ; elle est juste, celle-là, n’est-ce pas, mes enfants ?

— Bravo ! s’écrièrent tout d’une voix ces honnêtes brigands.

— Vous avez raison, capitaine ; si j’avais écouté mon père, qui voulait faire de moi un habile ouvrier, je n’aurais pas traîné la savate toute ma vie ; mais j’ai voulu faire à ma tête, et…

— Et, répondit Mange-tout-cru, tu es revenu de tes voyages les poches vides, avec une oreille et un mollet de moins.

— C’est un ours qui m’avait mangé les deux choses, pendant que j’étais gardien de ménagerie à Londres. J’en ai la chair de poule toutes les fois que j’y pense. Il me semble que j’ai encore son énorme gueule sur la figure.