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essais de cuisine.

— Tu crois ? répondit sans ardeur maître Charlot.

— C’est de dormir pendant le jour et de ne voyager que la nuit. De cette façon, nous ne serons tracassés par personne. Dès que les autres se mettront au lit, crac !… nous nous lèverons tous les deux pour voyager à la sourdine. Nous passerons très-facilement au milieu des sentinelles de Mange-tout-cru. Quant aux gendarmes et aux gardes champêtres, ils sont comme tout le monde ; la nuit, ils aiment mieux dormir que courir, bien sûr, et on ne va jamais les chercher que quand les accidents sont arrivés. Sois tranquille, Charlot ; moi, je suis comme les chats, je distingue de très-loin les objets dans les ténèbres. D’ailleurs, nous aurons de temps en temps le clair de la lune, et comme disait mon oncle à Jean son domestique, qui était poltron, un soir qu’il avait à lui faire faire une course hors de Paris : on a moins chaud quand on marche la nuit ; on ne risque pas d’attraper des coups de soleil. »

Ce tableau, si séduisant qu’il fût, ne produisait qu’un médiocre effet sur Charlot, qui marchait l’œil fixe et la tête inclinée. Mimile reprit alors :

« Tu ne dis plus rien ? Charlot.

— C’est que je suis fatigué d’hier.

— Fatigué !… Mais nous avons passé une si bonne nuit, sur de bons matelas… Qu’est-ce que tu diras donc quand nous passerons des nuits entières à guetter les lions ? Je sais bien qu’on est alors distrait par l’émotion et qu’on se dit tout le temps : Est-ce-moi qui vais tuer le lion, ou bien est-ce lui qui va me manger ? »

Mais plus Mimile parlait, plus le visage de Charlot se