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le camp de mange-tout-cru.

marché de sa vie, se disait en cachette qu’il aurait volontiers échangé ses gros souliers contre une vieille paire de pantoufles, ce qui lui eut permis de reposer ses pieds endoloris.

Mimile, malgré toute son abnégation, toute son amitié pour Charlot, pensait, tout en prenant son parti des dangers qu’il courait, que le métier de voyageur diurne et nocturne offrait pas mal d’inconvénients, et que ses côtés agréables n’étaient pas une compensation suffisante aux autres.

À son tour, Giboulot réfléchissait qu’il voudrait bien en avoir fini avec ses deux petits compagnons. Comment l’entendait-il ? Nous ne saurions le dire. Nous répugnons à supposer qu’il pût leur préférer la compagnie des oies. Mais, nous l’avons vu, Giboulot était un personnage mystérieux, et qu’on aurait pu même taxer de sournoiserie, s’il n’était souverainement injuste de juger n’importe qui sur de simples apparences.

Toutes ces réflexions avaient beau ne faire aucun bruit, il était malheureusement impossible aux trois compagnons de ne pas troubler de temps en temps le silence de la forêt en déplaçant un amas de feuilles, ou en brisant sous leurs pieds de petites branches mortes.

Giboulot, bien que suffisamment édifié sur la direction qu’il suivait, ne pouvait, à cause de la nuit, se rendre compte de la distance parcourue et par conséquent du chemin qu’il leur restait à franchir pour atteindre la limite de la forêt. Cependant, comme l’ex-gardeur d’oies était d’un naturel assez prudent, il songeait à prendre ses précautions à tout événement, quand une voix de