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transformation de giboulot.

— Pauvre Giboulot ! murmura Mimile.

— Mon cher garçon, que je me dis tout haut, tu vas passer un mauvais quart d’heure.

« — J’ai à t’apprendre quelque chose qui va t’ennuyer un peu, me dit le monstre en me parlant français, ce qui m’étonna beaucoup.

« Cet affreux cannibale continua :

« — J’ai l’intention de te manger cru, c’est meilleur.

— Mais alors, dit Charlot, c’était donc, lui aussi, un Mange-tout-cru ?

— Évidemment, répliqua Giboulot. Mais ne m’interrompez plus.

« — Les vieux, ajouta mon sauvage, les vieux qui ont mal aux dents font cuire leurs ennemis pour les mâcher avec plus de facilité. Mais je n’ai pas besoin de recourir à ces précautions. Et puis, quand on mange son ennemi tout vif, on peut encore, tant qu’on ne lui a pas croqué la tête, causer avec lui, ce qui est plus gai… Tiens, ajouta-t-il en ouvrant une bouche énorme dont les dents s’arrêtaient au milieu de la gorge faute de pouvoir aller plus loin, c’est par là que tu vas passer… en petits morceaux, bien entendu.

« Je ne dis plus rien, la colère me suffoquait ; je cherchais dans ma cervelle un moyen de me tirer d’affaire, car je trouvais trop bête de servir de pâture à une pareille espèce ; par malheur, j’étais sans armes. Si j’avais seulement possédé un couteau pareil aux vôtres… mais rien, car il m’avait pris, en entrant dans sa hutte, mon bâton. Je me désolais, quand, sans le vouloir bien entendu, il vint de lui-même à mon aide.