Page:Fath — Un drôle de voyage, 1878.pdf/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
de surprise en surprise.

maudite. Mais tous les moyens que vous m’avez énumérés pour en finir avec eux sont plus saugrenus, tranchons le mot, plus bêtes et plus ineptes les uns que les autres. J’en ai un bien meilleur à vous proposer et qui ne coûtera la vie ni un membre à ce qui me reste de sujets. Il y a assez de nez cassés, assez d’yeux en marmelade comme cela. J’entends venir à bout des gaillards de là-haut sans courir de nouveaux dangers.

« Vous allez, s’il vous plaît, — et j’entends que cela vous plaise, — vous disperser dans les bois au nombre de soixante, puis vous en reviendrez tous au bout de dix minutes avec un fagot, le plus gros possible, sur chaque épaule. Quand cet ordre sera exécuté, nous disposerons nos cent vingt fagots tout autour du rocher, à la plus grande hauteur possible ; nous y mettrons le feu, ainsi qu’à ce fameux arbre sur lequel les Vilains-Museaux de là-haut avaient compté pour faire retraite, et je vous réponds qu’en moins d’une heure il ne restera plus sur ce plateau que des Vilains-Museaux absolument fumés. »

Un cri d’enthousiasme accueillit d’en bas la proposition du grand chef.

Un cri de désespoir et d’horreur y répondit d’en haut.

Cependant les Vilains-Museaux, avec le stoïcisme particulier aux races sauvages, en avaient vite pris leur parti. Comprenant que la chose était sans remède, ils s’assirent tous en rond, les coudes sur les genoux, la tête dans les mains, et ils se mirent à chanter en chœur un chant lugubre, le chant des prisonniers qui n’attendent plus que la mort.

Le pauvre gros Charlot s’était jeté à genoux, et les