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UN DRÔLE DE VOYAGE

noms de sa maman et de son papa se distinguaient entre chacun de ses sanglots. Il leur demandait pardon, ainsi qu’à Dieu, d’avoir fui la maison paternelle. Il demandait, dans ses prières incohérentes, pardon à ses maîtres, à ses professeurs, au collège tout entier, d’avoir pu quitter cet endroit où l’on était en somme si tranquille que l’on y ignorait jusqu’à l’existence des Nez-Rouges et des Vilains-Museaux.

Mimile et Giboulot étaient fort sérieux, on le croira sans peine ; la mort par le feu, ou même seulement par la fumée, leur paraissait à bon droit la plus horrible des morts. Ils faisaient, dans l’impuissance absolue où ils se sentaient réduits d’esquiver ce funeste sort, la seule chose qu’ils eussent à faire : ils recommandaient leur âme à Dieu et se résignaient.

« Il n’est pas sûr, dit cependant Giboulot, que les flammes ni même que la fumée puissent nous atteindre. Mais l’arbre, qui pouvait nous servir d’escalier pour faire retraite, une fois brûlé, notre sort n’en serait pas meilleur. »

Une parole du chef vint le confirmer dans la justesse de cette réflexion.

Il avait repris la parole, et répondant à une objection qui sans doute lui avait été faite par un des siens :

« Qu’importe ! disait-il ; si le feu n’a pas raison d’eux sur le plateau, la faim en viendra toujours bien à bout. Nous resterons de faction ici quinze jours, s’il le faut. J’y planterai ma tente jusqu’à ce que le dernier d’entre eux ait rendu le dernier soupir. »

Mourir de faim ! Charlot n’y avait pas pensé. Cette