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de surprise en surprise.

mort a certes sa noblesse. Mais Giboulot, mais Émile, mais le pauvre Charlot lui-même, les bras levés au ciel, imploraient le secours divin.

Il lui sembla tout à coup que, du milieu des cris et des hurrahs que poussait d’en bas, à la vue des flammes, l’armée ennemie, quelques notes d’une sorte de fanfare se faisaient entendre au loin.

« Qu’est-ce que cela peut être, Giboulot ? dit Émile. C’est une musique, une belle musique encore, pas une musique sauvage cette fois ; on dirait une musique militaire ?

— C’est vrai, répondit Giboulot, c’est ma foi vrai. Mais que veux-tu, mon pauvre Mimile ? quoi que ce soit, il est trop tard.

— Ah ! dit Charlot, c’est la musique du Paradis ; c’est parce que nous allons mourir, cette musique-là, et peut-être parce que nous sommes déjà morts. Je voudrais que maman sache que je l’ai entendue en ce moment.

— Si le vent pouvait s’élever, dit Giboulot, et chasser cette fumée maudite, déchirer ce nuage qui nous asphyxie, au lieu d’être dans un four, nous verrions au loin. Mais bah ! c’est peut-être tout bonnement que les sauvages de Nez-Rouges ont l’habitude de célébrer, par un concert final, la mort de leurs ennemis.

— Mais, Giboulot, dit Mimile, ça ne peut pas être cela ; c’est de la trop bonne musique qui vient de plus loin. »

Au même instant, comme si Dieu avait entendu la prière de ces infortunés, le vent s’éleva. De son souffle puissant, il emporta les acres vapeurs noires qui entouraient la cime du plateau. Et au loin, dans la plus large