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le fantôme de la roche.

Je la revois encore au fond de ma chambre, aimable, souriante et belle sous son diadème de cheveux blancs, me regarder de son œil gris et serein ; et, s’appuyant sur sa petite canne de frêne, gagner tout doucement, clopin-clopant, le grand fauteuil en cuir de Russie d’où elle savait causer avec tant d’esprit et d’indulgence sur les douces choses d’autrefois et sur les curieuses absurdités du temps présent.

Pauvre grand’mère ! dire que vous nous avez quittés depuis huit longs mois, et cela, malgré toute notre tendresse et tous nos petits soins ! Le canapé où vous êtes morte est encore là, triste et solitaire, en face de votre causeuse à peine refroidie, et pourtant, rien qu’à regarder ces objets que vous aimiez tant et qui respirent encore votre vie, il me semble entendre votre voix claire et sympathique me raconter les légendes et les histoires de jadis.

Je suis seul, ici, ce soir, grand’mère. Il vente dehors et la pluie tombe froide et serrée au cimetière.

Allons ! revenez auprès de moi : tisonnez le feu qui s’éteint et asseyez-vous là, bien en face de moi. Personne ne vous dérangera ; j’ai fermé ma porte à tous les bruits du dehors. Causons en doux tête-à-tête, et contez-moi une longue histoire bien horrible, telle que celle du Fantôme de la Roche.

Elle me faisait si peur dans le temps ! vous en souvenez-vous, grand’mère ?