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la femme à l’aiguille.

été qu’une distraction était devenu un besoin pour lui ; car un jour, ayant voulu connaître par lui-même, jusqu’à quel point l’amour peut faire tourner la tête, il s’était privé de converser avec sa voisine pendant deux journées, et il avait failli se fondre d’ennui et de migraine.

Ce fut bien pis lorsque, dans un moment de retour sur lui-même, il s’aperçut que MM. Meunier et Darlington étaient aimés autant que lui. Il essaya pendant deux heures de se persuader le contraire. Inutile ; la triste réalité se dressait là devant lui. Il tenait d’un autre ami que M. Darlington était le fiancé de la voisine, et qu’en attendant, comme elle était bien convaincue qu’il serait son mari, Alice se permettait de lui préférer, pour le quart-d’heure, M. Meunier.

Pendant quarante-huit heures, Édouard se figura que l’amour d’Alice lui était chose parfaitement indifférente ; mais, hélas ! un soir le pauvre garçon se prit à sangloter, car il se sentait un immense besoin d’affection, et le lendemain Alice recevait la note laconique suivante :

« Vous croyez-vous le courage de m’aimer un jour, Alice ? Pour vous entendre dire « oui » je renoncerai à tout, carrière, honneurs, épée. « Non » me ferait reprendre demain mon bâton de voyage et retourner tristement sur le chemin où, depuis deux ans, je marche sans amitiés comme sans affections.

« Édouard. »