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à la brunante.

elle était morte, le numéro 91 appartenait de droit aux internes de l’établissement.

Et pendant que ces formalités légales s’accomplissaient, Jean en proie à une consomption galopante aggravait son mal en songeant à toute la peine que sa mort causerait à la pauvre délaissée !

Un matin, le médecin, en lui tâtant le pouls, lui dit :

— Monsieur Jean, vous devez avoir quelque chose qui vous chagrine ; voyons, dites-moi ce qui vous mine le cœur, dites-le moi, mon enfant ; cela vous fera du bien.

— Ah ! docteur, si vous étiez assez bon pour vous informer, à l’Hôpital des Femmes, du numéro 91, vous me feriez grand plaisir. Seulement, si vous lui dites que je suis malade, n’ajoutez pas que je suis en danger ; il en mourrait !

Le lendemain, comme le médecin approchait de son lit, Jean se souleva péniblement, le coude appuyé sur son traversin.

— Eh ! bien, docteur, cela va-t-il ? ma femme se sent-elle mieux ?

— Oui, monsieur Jean, elle est mieux, bien mieux. Je viens de la quitter ! et le médecin continua sa visite, les yeux prêts à pleurer.

Certes, il l’avait vue, bien vue, la chère malade : depuis deux jours la belle Julie n’était plus qu’un squelette préparé que les étudiants en médecine avaient gaiement tiré au sort, ce matin même,