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à la brunante.

raisons solides pour croire que ce sont des hommes défunts qui gardent les trésors, il est bon d’avoir des cierges bénis »

— Rien n’a été oublié, et à nous deux, nous avons la mémoire du diable qui, paraît-il, se souvient des moindres détails du paradis perdu. À genoux, Louis ! disons un de Profundis, et au nom de Dieu, conjurons ces morts de nous dire si l’on peut faire quelque chose pour leur repos éternel.

Les cierges allumés éclairaient à demi les deux fossoyeurs agenouillés et, tout en vacillant sous les bouffées du vent qui descendait s’engouffrer dans ce trou, ils faisaient passer sur les figures blafardes de ces gens, d’étranges lueurs. Ils priaient pourtant de bon cœur, et le psaume des morts allait s’achevant, lorsqu’un vagissement sourd, s’élevant de la surface de la mer, passa en effleurant la crête du morne.

Un grésillement sortit des lanternes qui projetèrent une vive lumière dans le fond de cette tombe où gisaient pêle-mêle vivants et squelettes ; puis, l’obscurité la plus profonde enveloppa le tout.

C’était la tempête qui posait son pied sur terre et passait en hurlant sur la solitude de l’Île aux Œufs.

Jacques et Louis tâtonnèrent quelque temps dans l’obscurité ; puis, mettant en travers leurs vareuses de toile goudronnée sur deux branches d’arbre qu’un éclair leur avait montrées gisantes sur le bord du trou, ils se tapirent dans un coin, et rallumèrent une de leurs lanternes.