Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

225
dodo ! l’enfant !

Dix fois dans le mois, grand’mère me faisait raconter comment je l’avais eu ; et, puisque ces choses me reviennent toujours à la mémoire, vaut autant vous les raconter tout de suite. Bien que ma grand’mère soit morte, je suis persuadé que son âme m’écoutera avec autant de plaisir que jadis ; — et il me semble l’entendre me dire, tout en conduisant ses aiguilles dans la trame de son tricot :

— Eh ! bien, Henri, tu as donc eu la chance de voir le Pape ?

— Oui, grand’mère, je l’ai vu ; je lui ai parlé, et il nous a bénis ; vous, en particulier.

— Allons, raconte-moi ça, mon enfant, et tâche de te bien rappeler toutes ses paroles ; la mémoire est un des dons du Saint-Esprit, et tous les jours je remercie le bon Dieu de me l’avoir conservée.

Alors les aiguilles s’arrêtaient dans le tricot ; ma mère déposait son dé et ses fuseaux sur le livre entr’ouvert de mon père, et toute la bruyante nichée se rapprochait pour saisir à qui mieux mieux les premières paroles de mon récit.

— Grand’mère, commençai-je, alors, vous n’êtes pas sans ignorer que le Pape demeure au Vatican, immense palais situé à droite de la sainte basilique de l’apôtre Pierre.

Or, par un dimanche tout ensoleillé, comme j’étais en train de dégringoler les quatre piani de mon hôtel pour aller dîner à la trattoria del Lepre, dans