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à la veillée.

— Comment, vous avez connu Gamache ? dis-je avec curiosité.

— Oui, monsieur, je l’ai vu une fois, lorsque je suis parti de Québec pour aller faire naufrage sur la pointe est de son île, ajouta-t-il, avec une conviction toute fataliste. C’était un fier brin d’homme, allez ! et puisque cela vous intéresse, je m’en vais remplacer cette satanée chanson, qui s’est enrâpée dans ma mémoire, par une autre qu’il chantait souvent. Je la tiens de lui ; elle n’est pas drôle ; mais elle servira à vous prouver ma bonne volonté, et elle vous montrera qu’on en voit de rudes dans notre métier. Allons, excusez la compagnie, je serre le vent.

Et il chanta d’une belle voix de basse, en enjolivant chaque finale de ces inimitables fioritures si chères à tout chantre campagnard :

Voilà bientôt le temps qu’arrive,
Navigateurs ! nous faut partir !
Ma mère reste sur la rive
Quand sur la mer me faut courir ;
Choisissons le temps le plus beau
Pour naviguer dessus ces eaux !

Sa mère dit : « Mon cher enfant !
Ta partance m’est bien sensible.
Reviens pour le sûr dans un an. »

Vous qui vivez sur cette terre,
Je vais en dire quelques mots :
Vous vous plaignez de la misère.
Qu’est-ce donc auprès des matelots ?
Le jour fini, vous vous couchez ;
Nous, il faut le recommencer.