Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

271
à la veillée.

Malheur à celui qui l’aurait contredit sur ce chapitre là !

L’une d’elles, ne l’avait-elle pas prévenue de l’approche d’une épouvantable tempête, alors qu’il était ancré aux Sept-Îles, l’année qui vit périr onze goëlettes dans ces parages redoutés ?

À son avis, un sien ami manqua, il y a quelques années, l’occasion de faire une jolie fortune.

Il avait appareillé sa berge pour aller pêcher la morue sur les fonds du Cap Chastes. Déjà son embarcation s’emplissait à vue d’œil de beaux poissons, lorsqu’en voulant retirer son hameçon pour l’embouetter, il sentit qu’il y avait prise au bout.

Il se mit à ramener sa ligne, brassée par brassée, dans cette attitude penchée, tête hors bord, que savent prendre tous les vrais pêcheurs de morues, lorsque, horreur ! il aperçut à une profondeur de huit pieds, une tête de femme qui montait vers lui !

C’était une sirène que le malheureux avait accrochée par le coin de la lèvre supérieure.

— Elle était toute jeune, disait Létourneau, à peine vingt-deux mois et ne parlait pas encore ; car les sirènes parlent comme de vraies créatures, ajouta-t-il.

Son teint était frais, comme de la belle chair de flétan, sa figure comme celle d’une jeune fille ; un voile de peau fine partait du front ombré par une abondante chevelure, et retombait à volonté jusqu’à la ceinture où sa forme humaine se confondait avec celle d’un poisson ordinaire.