Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

279
à la veillée.

l’enquête qui se fit six jours après ; car on attendait un parent du défunt qui venait du Haut-Canada.

Dès que ce dernier mit le pied dans la chambre où le corps était exposé, le cadavre se prit à saigner du nez : il donnait ainsi son témoignage muet et prouvait au corps de jury qu’il reconnaissait son ami et son allié. C’était prudent de la part du noyé ; il avait sur lui un portefeuille bourré d’argent, qui servit à lui faire dire des messes et à le tirer ainsi hors du purgatoire.

Comme le capitaine Létourneau achevait ces mots, la vieille horloge de Jérôme se mit à sonner onze heures.

Dans l’ombre, les chandelles de suif allongeaient leurs mèches fumeuses hors des goulots de bouteilles qui les retenaient, et le lumignon du plafond tremblotait dans son bec de fer où l’huile commençait à se faire rare.

Chanteurs et conteurs demeuraient silencieux et fatigués ; seule la mer, toujours rajeunie, déferlait au loin son éternel ressac.

Le père de madame Tanguay, le vieux Jean Pierre, se leva alors et secoua sa pipe.

Ce fut le signal de la prière.

Puis, chacun alla se coucher, et c’est ainsi que les bonnes gens d’en bas s’acheminent sans regrets, sans désirs et sans remords, vers le coin obscur du cimetière de leur paroisse. Ils ont en partage la seule poésie et le véritable bonheur d’ici-bas : l’immensité