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histoire de tous les jours.

Notre professeur avait fini par prendre Paul en grippe. Chaque soir le voyait quitter la classe, sa tâche quotidienne écrasée sous une avalanche de pensums les plus variés, et chaque matin ramenait le pauvre écolier luttant courageusement contre l’accumulation de circonstances aggravantes qui pesait sur lui.

Au collége, il suffit bien souvent d’être en délicatesses avec l’autorité pour devenir le chéri, la coqueluche des camarades.

Paul ne jouissait pas de ce privilège immémorial.

Au dehors, il rencontrait aussi peu de sympathies qu’il essuyait de punitions au dedans. Parmi les loustics, c’était à qui se moquerait de son uniforme de collégien, taillé vigoureusement dans la trame velue d’une de nos fortes étoffes du pays. Ceux qui n’avaient pas le courage d’être aussi spirituels, se contentaient de rire sous cape de ces grosses facéties. Les petits, forts de l’exemple des anciens, ne tenaient guère à rester en arrière : dès qu’il sortait de la cour du Séminaire, ses livres sous le bras, un de ces espiègles, qui passent nonchalamment leurs classes, accroupis dans leur paresse, gardant leur sève et leur vigueur pour les flâneries du dehors, trouvait toujours moyen de le bousculer et d’éparpiller sur le sol les classiques détestés ; puis, les doigts de se diriger vers Paul qui, mélancolique, le teint pâli, les yeux bistrés et pleins de larmes, ramassait ses bouquins et reprenait seul et résigné le chemin du logis.