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le baiser d’une morte.

Nadeau le forgeron, écoutant une voix fraîche qui se perdait dans le calme de la nuit.

Elle chantait :

Dans les prisons de Nantes,
Lui y a t-un prisonnier,
Gai faluron, falurette,
Lui y a t-un prisonnier,
Gai faluron, dondé.

Je n’ai jamais pu entendre le récit de la captivité de ce prisonnier

Que personn’ne va voir,


comme le dit la chanson, sans me sentir ému par la touchante complainte populaire. Mais ce soir-là, je l’étais plus que d’habitude ; car c’était Ursule qui la chantait pour endormir l’enfant du forgeron, chez qui elle était à gages. La respiration du petit qui dormait mollement aux ondulations du berceau, se mêlait aux battements de mon pauvre cœur, qui lui, hélas ! saignait tout éveillé.

Je restai là, assis sur la clôture, écoutant tendrement, les larmes aux yeux, la naïve ballade. Je t’ai dit que je pleurais, Mathurin, et c’est vrai cela ! car il m’avait fallu prendre une terrible décision. Puisque je ne devais pas épouser Ursule, de grand matin il me fallait quitter ce village où il m’était impossible de rester sans l’aimer.

Combien de temps demeurai-je là, enveloppant cette pauvre maison, d’un long regard ? je l’ignore.