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les blessures de la vie.

Depuis longtemps il voulait faire apprendre à Noémie le dessin et la musique, arts pour lesquels se montraient chez elle les plus belles dispositions. Elle aurait des maîtres ; pendant les vacances, il jouirait des progrès de l’année, et cela aurait le bon effet de le distraire d’un long travail littéraire qu’il allait pouvoir mettre sur chantier — travail qu’il portait dans sa tête depuis bien longtemps.

Bref, une quinzaine se passa à bâtir et rebâtir châteaux sur châteaux dans cette malheureuse Espagne qui n’en aura plus bientôt.

Un soir, Paul brodait comme toujours sur l’avenir.

Longtemps il m’avait tenu émerveillé, écoutant avidement un de ces mille et un projets qu’il avait sur Noémie. J’étais encore sous le charme de cette voix vibrante et sympathique, lorsque tout-à-coup sa main qui chiffonnait distraitement le dernier numéro de l’Étoile Libérale, se prit à trembler.

Il pâlit ; puis, faisant un effort sur lui-même, m’indiqua silencieusement le fait divers suivant :

— Corruption. — M. Tardy, contre qui M. Bour a lutté si péniblement, il y a quelques mois, vient d’être nommé secrétaire du ministre des Travaux-Publics. Nous tenons de bonne source que ce transfuge de notre parti, s’est laissé séduire par son ancien adversaire. Grâce à ce savant coup de tactique, M. Bour vient de se débarrasser ainsi du seul rival à craindre pour les prochaines élections.