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belle aux cheveux blonds.

travers les échappées de leurs branches une gracieuse file de persiennes que maître Martin avait soin de passer lui-même au vert, chaque printemps.

La cohue villageoise encombrait partout le logis Bernard.

Au fond de la salle où d’ordinaire se tenait le jovial conseiller, on entrevoyait à travers un épais nuage de fumée, le gros ventre de Pierre Michon. Jean-Baptiste Duranceau le faisait bondir de joie à chaque forte saillie tombée de ses lèvres, tandis que plus loin, tout près de l’immense poële en fonte qui se reposait en ce moment du travail de l’hiver précédent, Jérôme Branchaud et Étienne Pelchat reprenaient pour la centième fois une chaude discussion à propos d’une part de route éternellement contestée entre leurs deux amitiés.

Au milieu de toutes ces têtes blanchies et courbées au contact de la charrue, passaient les notes basses de la voix du maître de céans, qui en ce moment développait avec complaisance un sien projet de code municipal, destiné à mettre fin aux querelles des Branchaud et des Pelchat de l’avenir. Cette démonstration philanthropique n’empêchait pas les mains rugueuses de l’honnête habitant de verser çà et là, à ses convives de rudes rasades d’un vieux rhum blanc qu’il tenait de son grand’père, et que ses invités tenaient pour bon à leur tour, à en juger par le crescendo de bruit et de gaîté qui sortait par les fenêtres basses de la salle, entr’ouvertes pour laisser