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à la brunante.

— Vous avez mal saisi la pensée de mon père, Jules, et vous savez trop combien il vous aime pour ne pas confondre ses avis avec ses ordres. Il n’y a pas que le droit qui puisse mettre à l’aise une honnête intelligence : cherchez autour de vous ; comparez les bonheurs qui vous entourent, et peut-être en regardant bien, saurez-vous trouver le vôtre ?

— Le bonheur, ma bonne petite Rose, je sais bien où le trouver, fit Jules en lui prenant affectueusement la main : malheureusement je n’ai que mon instruction et mes deux bras pour y parvenir. Avec ce bagage là, la route se fait longue, trop longue parfois.

— Mais savez-vous, Jules, que ces paroles sont plus que du courage. Il ne vous reste plus qu’une bonne décision à prendre. Allons ! vite, faites-vous clerc chez l’avocat Nicol. Si cela ne vous plaît pas, installez-vous commis derrière le comptoir de Rossignol ! Les chiffres vous découragent-ils ? griffonnez du papier timbré dans l’étude de l’ennuyeux notaire Bédard, mais, de grâce, faites vite, car si vos hésitations continuent, j’ai bien peur que notre nid de campagne, ne se recule jusque aux frontières d’Espagne. Vous savez cette maisonnette, Jules… s’interrompit Rose en se dégageant la main du geste le plus félin du monde.

— Oh ! chère maison si rêvée, et si lointaine pourtant, reprit Jules avec mélancolie. Je l’entrevois d’ici, continua-t-il, en se fermant à demi les yeux, dans un songe extatique. À peine aperçoit-on son