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le travail et sur la justice, puisque, par la nature même de son organisme, il est poussé fatalement à opprimer celui-là et à nier celle-ci.

« Suivant nous, l’ouvrier ne pourra jamais s’émanciper de l’oppression séculaire, si à ce corps absorbant et démoralisateur, il ne substitue la libre fédération de tous les groupes producteurs fondée sur la solidarité et l’égalité. »

Après les deux Congrès de 1872, celui de La Haye et celui de Saint-Imier, les Congrès ultérieurs des deux tendances ne se tenaient que séparément. Le Conseil général de la majorité marxiste fut transféré à New-York. Ce fut son enterrement. Au contraire, toutes les sections de « l’Internationale », à l’exception de la section allemande, se rangèrent au point de vue des Jurassiens. Les trade-unions anglaises même étaient contre le Conseil général dirigé par Marx. Lorsque, un an plus tard, les deux tendances, la marxiste et la fédéraliste, convoquèrent leurs Congrès à Genève, ces Congrès siégèrent séparément.

Le deuxième Congrès des antiautoritaires siégea du 1er au 6 septembre 1873, celui des marxistes du 8 au 13 septembre. Il était devenu clair, maintenant, que les marxistes se trouvaient en pleine déroute. Ce fut leur dernier Congrès. Le Congrès des fédéralistes fut très fréquenté. Il élabora de nouveaux statuts pour « l’Internationale ». Le Conseil général fut supprimé. La question de la grève générale fut discutée. Elle ne fut pas, toutefois, définitivement réglée, vu le nombre encore très restreint d’organisations ouvrières à cette époque. Le Congrès des marxistes fut un fiasco complet. À part les délégués allemands et autrichiens, il n’y en eut presque pas d’autres, de sorte qu’on se vit obligé de renoncer à la convocation de Congrès ultérieurs. Quant à l’aile antiautoritaire, fédéraliste, elle resta debout. Mais elle aussi a beaucoup souffert, d’une part, à cause de la scission provoquée par Marx, d’autre part, par suite de la réaction générale instaurée dans toute l’Europe après la chute de la Commune. Trois Congrès eurent encore lieu : le 3e, à Bruxelles, du 7 au 13 septembre 1874 ; le 4e, à Berne, du 26 au 29 octobre 1876 ; et le 5e, à Verviers, du 6 au 8 septembre 1877. En 1877, eut lieu également un Congrès général socialiste à Genève, d’où prit son essor l’Internationale social-démocrate. On finit par s’entendre de façon qu’un bureau commun pour les deux Internationales fut créé. Ce fut la fin des Congrès et de « l’Internationale ». qui reçut plus tard le nom de « Première Internationale ». (Voir Internationale.)

À partir de ce moment, commença une autre période qui aboutit à la formation et l’organisation de « l’Internationale » connue, aujourd’hui encore, sous le nom de « 2e Internationale ». Cette dernière sera traitée au mot : Internationale. Le seul fait qui nous intéresse ici est celui qu’en 1892, au Congrès de Londres, les anarchistes et les antiparlementaires furent exclus de l’internationale. Jusque-là, les deux tendances coexistaient, l’une auprès de l’autre, au sein de la même organisation.

L’époque qui suivit fut une décadence du mouvement ouvrier international. L’hégémonie de l’Allemagne sur tout le continent européen, après la guerre de 1870-71, amena aussi une prépondérance du mouvement ouvrier allemand sur celui des autres pays, surtout des pays latins. Avec cela, les méthodes allemandes du parlementarisme prirent le dessus, tandis que les traditions de l’aile fédéraliste de la 1re Internationale déclinèrent.



L’Association Internationale des Travailleurs (A. I. T. d’aujourd’hui).

Quelques dizaines d’années passèrent avant que les éléments libertaires, dans le mouvement ouvrier,

fussent redevenus assez forts pour se réunir sur une échelle internationale. C’est avec le développement du Syndicalisme révolutionnaire antiétatiste que le temps vint revivifier le mouvement ouvrier international dans le sens de la tendance antiautoritaire de la 1re Internationale. L’aile antiautoritaire de la 1re Internationale ayant déjà considéré les organisations professionnelles révolutionnaires (au point de vue économie) comme les organes appelés à guider la lutte du prolétariat conscient de son devoir de classe, et à mener vers le succès la révolution sociale, le syndicalisme révolutionnaire reprit et continua cette tendance. Aussi l’A. I. T. d’aujourd’hui peut compter pour la seule héritière véritable des meilleures traditions de l’aile antiautoritaire de la 1re Internationale.

En 1913 déjà, se réunirent, à Londres, les délégués des organisations syndicalistes-révolutionnaires de presque tous les pays européens et autres, afin de poser la première pierre d’une nouvelle Internationale ouvrière devant suivre le chemin tracé par la 1re Internationale. La résolution principale adoptée à Londres portait :

« Le premier congrès international syndicaliste reconnaît que la classe ouvrière de tous les pays souffre de la même répression par l’État et le système capitaliste. Par là il se déclare pour la lutte de classe et la solidarité internationale, pour l’organisation indépendante de la classe ouvrière sur la base d’union fédérative.

« Il tend à l’élévation immédiate matérielle et morale de la classe ouvrière jusqu’à la destruction finale du capitalisme et de l’État.

« Il déclare, ensuite, que la lutte de classes est une conséquence nécessaire de la possession privée des moyens de production et de distribution, et par là il tend à la socialisation de cette possession.

« À ceci appartiennent l’élaboration et le développement des organisations syndicalistes, dans ce sens qu’elles sont en état de faire avancer la fabrication et la distribution de produits dans l’intérêt de la société entière.

« Constatant que les syndicats internationaux ne peuvent faire la lutte de classe avec succès que lorsque les ouvriers cesseront de se diviser sur des différences politiques et religieuses, le congrès déclare que la lutte comme telle, ne pourra être que d’un caractère économique, exprimant par cela que les organisations ne tâchent pas d’atteindre leur but par des collaborations de gouvernement et leurs assistants, et qu’elles s’appuient seulement, par excellence, sur le pouvoir des organisations et leur action directe.

« En conséquence de cette déclaration, le congrès fait appel aux travailleurs de tous les pays pour s’unir en organisations industrielles fédératives indépendantes sur la base de la solidarité internationale avec le but de délivrance complète de la répression par l’État et le capitalisme. »

Malheureusement, l’œuvre de la réunion internationale des organisations industrielles révolutionnaires libertaires fut interrompue par la guerre éclatée en 1914. Tous les pays se fermèrent hermétiquement. Toute liaison internationale des travailleurs devint impossible. La réaction dura jusqu’à la fin de la guerre. La révolution en Russie et en Europe centrale créa une situation nouvelle. Les forces dispersées du prolétariat révolutionnaire recommencèrent à s’unir. La tentative de continuer l’œuvre commencée à Londres en 1913 ne réussit, cependant, qu’en 1920. Cette année-là, une conférence syndicaliste préliminaire eut lieu à Berlin, du 16 au 21 décembre. Les organisations suivantes y étaient représentées : les I. W. W. de l’Amérique, la F. O. R. A. de l’Argentine, le Comité syndicaliste-révolutionnaire (France), la F. A. U. D. (Allema-