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gne), le Schop-Steward and Workers Committee Movement (Angleterre), l’organisation centrale des ouvriers suédois (Suède) et le National Arbeids Secretariat de la Hollande. En outre, l’Union syndicaliste italienne, la Confederacion Nacional del Trabajo (Espagne), la Fédération Syndicaliste de la Norvège et l’opposition des unions professionnelles danoises, se déclarèrent d’accord pour la création d’une « Internationale Syndicaliste », tout en exprimant leur regret de ne pas avoir pu prendre part à la Conférence. Les unions professionnelles russes étaient représentées par Bélenky qui était là à titre de visiteur.

On adopta à cette conférence la résolution suivante :

« 1o L’Internationale Révolutionnaire du Travail se place, sans aucune réserve, sur le point de vue de la lutte de classe révolutionnaire et du pouvoir de la classe ouvrière.

« 2o L’Internationale Révolutionnaire du Travail tend à la destruction et à l’anéantissement du régime économique, politique et moral du système capitaliste et de l’État. Elle tend à la fondation d’une société communiste libre.

« 3o La conférence constate que la classe ouvrière est seule en état de détruire l’esclavage économique, politique et moral du capitalisme par l’application la plus sévère de ses moyens de pouvoir économique qui trouvent leur expression dans l’action directe révolutionnaire de la classe ouvrière pour atteindre ce but.

« 4o L’Internationale Révolutionnaire du Travail se place ensuite sur le point de vue que la construction et que l’organisation de la production et de la distribution sont la tâche de l’organisation économique dans chaque pays.

« 5o L’Internationale Révolutionnaire du Travail est entièrement indépendante de tout parti politique. Dans le cas où l’Internationale Révolutionnaire du Travail déciderait une action et que les partis politiques ou toute autre organisation se déclareraient d’accord avec cette action ou vice-versa, alors l’exécution de cette action peut se faire en commun avec ses partis et organisations.

« 6o La conférence adresse un appel urgent à toutes les organisations syndicalistes révolutionnaires et industrielles et les invite à prendre part au Congrès convoqué le 1er mai 1921 à Moscou par le Conseil provisoire de l’Internationale Rouge du Travail (I. S. R.) afin de fonder une Internationale Révolutionnaire du Travail unifiée de tous les travailleurs du monde. »

Lorsque, en été 1921, eut lieu, à Moscou, le Congrès constitutif de l’Internationale Syndicaliste Rouge (I. S. R.), les syndicalistes révolutionnaires y étaient représentés, il est vrai, en grand nombre. Il y avait, cependant, aussi des organisations syndicalistes révolutionnaires qui, à ce moment déjà, se rangèrent au point de vue de ne pas vouloir vivre aux frais du gouvernement de la Russie. Ce point de vue était, en première ligne, celui des syndicalistes allemands qui avaient fait, préalablement, au sujet d’une délégation à Moscou, un referendum dans leurs rangs, qui donna un résultat négatif. On supposait, d’autre part, que les communistes russes n’iraient jamais jusqu’à tolérer une Internationale syndicaliste révolutionnaire véritablement indépendante, c’est-à-dire, antiautoritaire, car ils défendaient la théorie d’après laquelle une dictature du Parti devait être exercée sur les unions professionnelles.

Cette supposition fut justifiée. Ayant formé une majorité à leur dévotion, les Russes ont su étouffer l’opinion des syndicalistes révolutionnaires. Mais, à Moscou déjà, la minorité se serra et tomba d’accord sur un manifeste contre le Congrès. Au Congrès des anarcho syndicalistes, à Dusseldorf, en automne 1921, eut lieu, complémentairement, une petite conférence internatio-

nale à laquelle prirent part : un délégué des I. W. W., un autre des syndicalistes suédois, une délégation des syndicalistes hollandais et des syndicalistes allemands. À cette conférence, la décision fut prise de convoquer à Berlin, l’année suivante, une conférence internationale des organisations qui n’étaient pas d’accord avec les décisions du Congrès de Moscou.

Cette Conférence préliminaire des syndicalistes eut lieu à Berlin, du 16 au 18 juin 1922. Y étaient représentés : la Freie Arbeiter Union Deutschlands (Allemagne), la Unione Sindacale Italiana (Italie), la Confédération Générale du Travail Unitaire (France), la Confederacion Nacional del Trabajo (Espagne), la Sveriges Arbetares Centralorganisation (Suède), la Norsk Syndikalistisk Federation (Norvège), la minorité syndicaliste des unions professionnelles russes, la Federaciôn Obrera Regional (Argentine). Il y avait aussi un représentant des unions professionnelles russes, qui fut admis à titre auditif.

La dernière grande discussion avec les unions professionnelles russes eut lieu à cette conférence. Au moment où devait être élaborée une résolution de protestation contre les persécutions des ouvriers révolutionnaires, les représentants de la minorité syndicaliste de Russie essayèrent aussi la mise en liberté des révolutionnaires emprisonnés en Russie soviétique. Le représentant des unions professionnelles russes, Andréieff, défendit les mesures politiques du gouvernement russe. Une âpre discussion éclata. Finalement, une Commission fut nommée, qui posa nettement au représentant des unions professionnelles russes les deux questions suivantes :

« 1o Le Comité Central des unions professionnelles russes pense-t-il intervenir, de façon formelle, en vue de la mise en liberté de tous les syndicalistes et anarchistes emprisonnés pour leurs idées ?

« 2o Le même Comité a-t-il l’intention d’exiger que les camarades puissent développer librement leur activité révolutionnaire dans les unions professionnelles, à la condition qu’ils ne luttent pas contre le gouvernement russe les armes à la main ? »

La réponse à ces questions fut donnée par trois fois, mais toujours équivoque. Il devint absolument clair que le gouvernement russe était défendu par les unions professionnelles russes. La Conférence se prononça alors pour les révolutionnaires emprisonnés en Russie soviétique. Lorsque le représentant des unions professionnelles russes comprit qu’il ne pourrait rien obtenir, il quitta la Conférence. Dès ce moment, la séparation des deux organisations : des unions professionnelles autoritaires de la Russie soviétiste et des organisations syndicalistes révolutionnaires antiautoritaires fut un fait accompli.

La Conférence élabora, en dix thèses, une déclaration de principes du syndicalisme révolutionnaire, qui fut adoptée unanimement. Cette déclaration fut adoptée presqu’en entier, par le Congrès constitutif ultérieur de l’Association Internationale des Travailleurs, et nous la citons plus bas. Ensuite, la Conférence adopta une résolution contre l’Internationale Rouge ; car, affirma-t-elle, elle n’y voyait pas la véritable base sur laquelle pourrait s’unir le prolétariat révolutionnaire du monde entier. Un bureau provisoire fut formé, qui devait convoquer un congrès international des syndicalistes révolutionnaires. À ce congrès furent également invitées les organisations qui adhéraient à l’Internationale Rouge. Le siège du Bureau fut fixé à Berlin.

Enfin, du 25 décembre 1922 au 2 janvier 1923, eut lieu, à Berlin, le Congrès constitutif des syndicalistes révolutionnaires. À ce Congrès étaient représentées les organisations syndicales révolutionnaires de l’Argentine, du Chili, du Danemark, de l’Allemagne, de la