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ATH
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humaine, non de la volonté, du bon plaisir d’un roi du ciel. »

Dans la Grande Encyclopédie, M. Marion, qui pourtant n’est pas tendre. Pour le mot athée, écrit :

« On comprend que le vulgaire, qui a sa conception très arrêtée et très étroite de la divinité et qui n’en admet pas d’autre, qualifie d’athéisme toute doctrine tant soit peu différente de l’ordinaire anthropomorphisme, de la croyance courante à un Dieu personnel, intervenant sans cesse, dans les choses humaines. Il est surtout ridicule de reprocher aux savants d’être athées — la science comme telle est athée par nature, en ce qu’elle a pour objet unique d’étudier le comment des choses, leur mécanisme, la liaison nécessaire des causes et des effets, sans s’embarrasser des questions d’origine première et de fin. Si Laplace a répondu à quelqu’un qui s’étonnait de ne pas trouver le nom de Dieu dans sa mécanique céleste : « Je n’ai pas besoin de cette hypothèse », ce n’est là que l’expression toute simple d’un état d’esprit naturel aux savants en tant que savants, c’est à dire en tant qu’observateurs des conséquences. Les philosophes eux-mêmes, depuis Descartes et surtout depuis Kant, ont été de plus en plus unanimes à admettre que rien dans le monde ne se fait que selon des lois immuables résultant de la nature des choses ; de sorte que c’est presque tout philosophe digne de ce nom qui devra être qualifié d’athée, à prendre pour juge l’opinion vulgaire qui entend par Dieu une puissance indépendante de toute loi, capable d’intervenir à tout instant dans la marche de l’univers. Pas un métaphysicien, si respectueux soit-il de la croyance populaire, qui n’en cherche une interprétation plus profonde, inconciliable avec la science. »

Le philosophe français qui signe du pseudonyme « Vallée du Mont-Ari » (Lettres sur la Vie vue avec le simple bon sens) dit :

« À mes yeux, la croyance en Dieu-Idée a une telle influence sur l’état social que je ne puis me dispenser de revenir sur ce Rien, cette Nullité, ce Non-être, ce Néant, cet Impossible, ce Dieu de toutes les religions qui, sous les noms de Brahmah, Javeh, Jehovah, Elohim, etc., de par les résultantes qu’il a déterminées depuis que les hommes ignorants ou astucieux l’ont créé, est l’Immoralité même. Comment ne pas voir que c’est cette erreur qui, par le fanatisme, maintient les états d’êtres inférieurs actuels ? C’est vraiment commode, un Dieu pour certains individus dont la conscience et la réflexion ont été annihilées par cette croyance… Toute leur existence se passe à commettre les pires méfaits, les malhonnêtetés les plus criantes… et quand ils sentent que la tombe va s’ouvrir, ils adressent un acte de contrition » à cette Hideur qui avait permis leurs crimes et elle leur ouvre toutes grandes les portes de son « Paradis » où ils jouiront éternellement du plus grand bien-être, après avoir joui pendant toute leur vie terrestre au détriment d’autrui. Tandis que certain pauvre diable qui aura vécu chichement, péniblement, souffreteusement, douloureusement, et honnêtement pendant toute sa vie en servant humblement les riches exploiteurs, ira en enfer si, contraint par la misère, il est surpris volant quelque denrée alimentaire ou quelques sous chez un de ses exploiteurs qui le tuera simplement avant qu’il ait eu le temps de manifester son repentir à Dieu… Ô stupidité ! »

« C’est cette insanité repoussante qui fait dire à ses représentants autocrates et omniscients que la guerre est nécessaire et qu’elle donne la victoire aux armées qui la servent… C’est la croyance en cette Fiction qui est cause de tout le mal que nous pouvons constater

par l’obscurité intellectuelle et la stagnation mentale dans lesquelles sa crainte maintient l’humanité… »

Cette page virulente n’est qu’un exposé de l’objection que les philosophes opposent au dogme de l’existence d’un Dieu tout puissant et tout sage : l’existence du mal physique et moral. On ne comprend vraiment pas comment des êtres raisonnables peuvent avaler les boniments des prêtres de toutes les religions ; et pourtant l’immense majorité des hommes se soumettent benoîtement à ce que les représentants de la superstition religieuse leur commandent.

Vallée du Mont-Ari dit encore : « Il existe des êtres ayant des prétentions d’être à l’avant-garde des idées et considérant comme inutile le temps passé à combattre l’idée de Dieu. On peut se demander comment un homme sensé peut douter de la nécessité et de l’efficacité du combat de l’homme conscient contre la croyance en l’existence de Dieu. Il faut vraiment qu’il n’ait jamais pris la peine de réfléchir sur l’importance de cette question, ou qu’il ne puisse pas en voir toute l’importance… le sort de l’humanité y est intimement lié.

« L’athée… croit à la possibilité d’une justice sans Dieu ; justice dont les plateaux de la balance n’auront plus à subir les influences actuelles ignobles de cette monstruosité. »



Voyons à présent les prétendues preuves de l’existence de Dieu.

Le premier argument que tout chrétien lance dans une discussion avec un athée, c’est celui de Fénelon et de Bossuet qu’on a redit à satiété : il faut un horloger pour faire une montre, un peintre pour faire un tableau, il faut donc un auteur à toute chose, cet auteur, je l’appelle Dieu, donc Dieu existe. Cet argument n’a pas plus de valeur qu’une bulle de savon ; s’il a fallu un créateur pour créer le monde, qui a créé ce créateur et le créateur de ce créateur ? et ainsi de suite à l’infini. La preuve théiste n’est qu’une pétition de principe, car c’est l’affirmation de la création, parce que ce que ce créateur existe ; or, ce créateur premier ne peut être, puisqu’on peut toujours le reculer et, de plus, la création n’a pas été prouvée et ne le sera probablement jamais, car la science se passe très bien de l’idée de création.

Fénelon croit avoir tout dit en opposant l’idée de Dieu au hasard. Or, le hasard ne serait encore qu’un Dieu, tandis que la science telle qu’elle existe aujourd’hui, reconnaît des lois, pas un hasard ; ces lois sont éternelles autant qu’on peut le déduire de toutes les observations. Donc pas de Dieu. Les arguments de Fénelon sont parfois de purs enfantillages, ainsi : « Si l’eau était plus ou moins dense qu’elle n’est, elle ne pourrait supporter des vaisseaux », ce qui revient à dire que les eaux ont été créées pour porter des navires et non que les bateaux ont été inventés pour naviguer sur les eaux.

« Si la terre était plus ou moins dure qu’elle n’est, elle ne pourrait pas être cultivée ou bien elle ne pourrait pas supporter l’homme. » Toujours le fameux principe : C’est Dieu qui a créé tout cela pour l’homme, pour le bien de cet homme, le favori de Dieu. Les serpents venimeux, les bêtes sauvages, les scorpions, les punaises, les poux, les bactéries pathogènes, la fièvre thyphoïde, la lèpre, la tuberculose, les mouches cancéreuses, etc., ont donc été créés pour le bien de ce bien-aimé de la divinité ?…

Tout le livre de Fénelon, qu’on employait de mon temps dans les classes de philosophie, est plein d’arguments de la force de celui de la densité des eaux, la beauté de la nature, l’instinct des animaux. Fénelon écrit des choses aussi étonnantes que celle-ci : « Toutes les qualités des personnes et des choses viennent de