Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ACC

les pétroliers ont toute licence pour exercer leur industrie à l’abri même de la loi.

L’accaparement fait partie du système social actuel. Il ne disparaîtra qu’avec lui. Autrefois, on pendait les accapareurs ; aujourd’hui, on les décore. C’est un signe des temps.

La cupidité des accapareurs, leurs rivalités, sont à la source de tous les conflits armés entre les puissances qui soutiennent les intérêts de leurs ressortissants et encouragent leurs exploits.

L’accaparement est une des manifestations les plus malfaisantes du capitalisme. Il n’est toutefois qu’un effet, c’est la cause qu’il faut détruire.

Pierre Besnard.


ACCAPAREMENT. n. m. Action d’accaparer, de prendre tout pour soi, L’accaparement, en matière de commerce et d’industrie, a toujours été chose très courante et n’est qu’une des tristes conséquences de la société que nous subissons. L’accaparement consiste, pour un commerçant ou un consortium, à retirer de la circulation une forte quantité de denrées ou marchandises de même espèce, afin d’en avoir le monopole et de pouvoir, en écartant toute concurrence, les revendre au taux le plus élevé. Les mesures contre l’accaparement, assez sévères sous l’ancienne monarchie, abolies par l’Assemblée Constituante, reparurent sous la Convention qui déclara l’accaparement crime capital. Aujourd’hui, en principe, la loi punit de l’amende et de la prison l’accaparement des marchandises proprement dites et aussi de tout ce qui est objet de commerce ou de concurrence, par exemple, l’accaparement des moyens de transport. La peine devrait être plus grave si la spéculation a porté sur les grains, farines, pains et boissons. En réalité, les loups ne se mangent pas entre eux et les accapareurs n’ont pas à craindre beaucoup ces lots sévères. À toutes les époques des commerçants ont essayé d’affamer le pays pour augmenter leurs bénéfices ; chaque fois qu’ils furent dénoncés, ils ne s’en portèrent pas plus mal et continuèrent à jouir en paix du fruit de leurs crimes. Au mal de l’accaparement il n’y a qu’un seul remède, celui que préconisent les anarchistes : la mise en commun, organisée des denrées et marchandises. Toutes les autres mesures ne sont que duperies destinées à couvrir un trafic éhonté sous une vaine apparence de « justice ».


ACCLIMATATION n. f. Action d’acclimater artificiellement. L’homme s’acclimate assez facilement dans les pays froids ou les régions de hautes altitudes, mais il lui est très difficile de s’habituer aux pays chauds. C’est vers l’âge de 35 ans que l’acclimatation est le plus facile et c’est vers l’âge de 12 ans qu’elle est le plus pénible. Les Européens établis dans les pays tropicaux doivent envoyer leurs enfants dans leurs pays d’origine de 2 à 20 ans. L’acclimatation des animaux se prépare en les faisant passer graduellement de leur pays d’origine dans le pays où on veut les acclimater, et lorsqu’on a obtenu leur multiplication. L’acclimatation se réalise au bout de plusieurs générations. Les Grecs ont acclimate en Europe le paon et le faisan ; les Romains la pintade ; au XVIe siècle, les Espagnols acclimatèrent le dindon et le cobaye. Les plus remarquables acquisitions de notre époque ont été faites en matière de pisciculture. De même, certaines espèces végétales : le platane, le lilas, la tulipe, le tabac, la pomme de terre, sont les produits d’une acclimatation relativement récente. En 1854, Geoffroy-Saint-Hilaire fonda la Société nationale d’acclimatation en vue de multiplier les espèces utiles. — Le mot acclimatation est aussi employé au sens figuré. Exemple : l’acclima-

tation d’un individu dans une classe sociale autre que la sienne.


ACCOUTUMANCE n. f. Habitude ; action de se familiariser avec une chose, suivie souvent de l’acceptation passive de cette chose. Il faut prendre garde à l’accoutumance, c’est une redoutable auxiliaire de l’esclavage. De même que le manque d’initiative renforce la routine, de même l’accoutumance brise les velléités de révolte et de libération. L’homme qui, peu à peu, s’est habitué à supporter sans mot dire l’exploitation d’une caste, cet homme-là acquerra peu à peu une mentalité d’esclave. Au lieu de soutenir les travailleurs révoltés, il deviendra le chien de garde de son patron. L’accoutumance est donc une chose dangereuse. Elle tue le besoin de liberté chez l’individu ; elle fait paraître naturelles les conditions de vie les plus artificielles. Ne nous laissons pas endormir par l’habitude.

L’accoutumance, c’est la pente savonnée sur laquelle on se laisse glisser, glisser, glisser si aisément à la longue, qu’on cesse d’avoir conscience de sa chute, si bien que, lorsqu’on est amené, par une circonstance grave, à le constater, on n’a plus la force (l’habitude est une seconde nature) de réagir.

L’accoutumance a des effets qui peuvent être comparés à ceux de la paralysie plus ou moins lente qui, graduellement, s’étend à l’individu tout entier et le prive de sa faculté totale de se mouvoir.


ACCUMULATION (des richesses) n. f. (lat. accumulare). C’est l’action qui consiste à accumuler et qui a pour résultat d’amasser, d’entasser, d’amonceler les richesses. Il y a là un phénomène économique que détermine automatiquement le régime capitaliste. La situation agricole, industrielle, commerciale et financière qui caractérise ce régime a pour conséquence de dépouiller la fraction la plus nombreuse de la population au profit d’une infime minorité. C’est entre les mains de cette poignée d’individus de plus en plus scandaleusement enrichie que se produit cette accumulation des richesses. « La richesse et la misère, écrit l’économiste J.-B. Say, s’avancent sur deux lignes parallèles ». C’est ce phénomène que Karl Marx a remarquablement constaté et que l’auteur du Capital appelle la concentration capitaliste (voir Concentration). Des fortunes fantastiques s’édifient sur le détroussement systématique de la masse qui produit et qui consomme. Plus le régime capitaliste se développe, plus il engendre, par le système des profits additionnés, cette accumulation des richesses.

Déjà spoliée par l’employeur d’une partie importante du fruit de son travail, la classe ouvrière l’est encore par la clique commerciale et si, après avoir subi le prélèvement du rapace dont il est le salarié et du mercanti qui lui vend au plus haut prix ce dont il a besoin pour s’alimenter, se vêtir, se loger et se recréer quelque peu, il reste, par hasard, quelques sous au travailleur, ces faibles disponibilités sont happées par la finance ou dévorées par l’État, En sorte que toutes les richesses créées par le Travail ne restent jamais à la disposition et entre les mains des Producteurs, mais passent immanquablement dans les coffres-forts des improductifs.

C’est ainsi que d’immenses trésors, de prodigieuses ressources, d’incalculables réserves, dûs à l’effort archiséculaire de la multitude qui peine et vit misérablement, se trouvent aujourd’hui en la possession d’une minorité de flibustiers, d’aigrefins et de profiteurs — la propriété, c’est le vol (Proudhon) — qui, de génération en génération, se transmettent constamment accrues, les richesses ainsi accumulées.

Ce fait d’absorption progressive de toutes les richesses peut être comparé au mouvement d’une pompe