tivement en retard, en voyant où en étaient arrivés les égyptiens adorateurs du Soleil, ce qui n’était pas inférieur à l’adoration d’un dieu suprême, et puisse cette description faire sentir à chacun l’amour que nous ressentirons pour le grand et le beau, quand nous ne voudrons plus être des esclaves.
Dans l’antiquité, les métiers se classifiaient suivant les matériaux : il y eut ceux du bois, les restes que nous possédons le prouvent ; ceux de la pierre, du granit, du marbre, des métaux, de la terre ; enfin les pasteurs, les chasseurs et les guerriers. Les plus vieux documents en bois que nous possédons ont été retrouvés dans de grands sarcophages en marbre et en granit dans lesquels on ensevelissait les rois et les grands ; au-dessus, s’élevaient de gigantesques monuments, sous lesquels nos modernes archéologues ont découvert, assez bien conservés, beaucoup d’objets qui témoignent, un développement artistique très marqué. Quand un haut personnage mourait, on l’embaumait, puis on l’enroulait fortement avec des bandes de toile qui atteignaient pour une seule momie jusqu’à 350 mètres de longueur sur 12 centimètres de largeur ; ainsi bandé, on l’enduisait de bitume, de gomme et de carbonate de soude ; cet ensemble formait une cristallisation qui empêchait la perméabilité. Cette opération terminée, la momie était couchée sur le dos, et l’ouvrier du bois apparaissait pour exécuter la bière, coffre ou cercueil. Il commençait par découper les calibres des contours afin que la momie entrât dans le coffre comme dans une gaine. L’extrémité du coffre, avec les galbes atténués, avait à peu près le contours de l’intérieur. Ce premier coffre était placé dans un autre plus grand, plus rectiligne et mieux décoré ; ensuite il était mis dans un sarcophage en granit comme on en voit au Louvre et dans différents musées.
Enfin le tout était transporté dans un caveau définitif sur lequel les égyptiens élevèrent des monuments comme les pyramides, qui aujourd’hui défient encore le temps. Un des plus antiques coffres de ce genre est à Londres, au British-Muséum. Il fut découvert en 1837 sous la troisième pyramide à Gizeh ; il contenait les restes de Mem-Kau-Rà ou Mycérinus, roi d’Égypte, il date de la IVe dynastie (3633 avant J.-C.). Pour comble de malheur le navire anglais qui transportait ces précieux restes, essuya une tempête et perdit plusieurs morceaux ; le sarcophage en granit et des parties de la momie furent perdus en mer. Mais par les portions du tour et du dessus on peut aisément reconstituer et décrire le coffre. Les courbes des côtés et les galbes du couvercle accusent le chantournement de la momie décrite ci-dessus. Le bois, qui paraît être du sapin, a une moyenne de 3 à 5 centimètres d’épaisseur. La partie de la tête du coffre est assemblée par des queues d’aronde, qui après le montage furent chevillées en biais. La partie des pieds est en feuillure dans les côtés et tenue par des chevilles en sens contrariés. Le couvercle est mis sur la boîte, guidé par des clés ou faux-tenons carrés ajustés dans les mortaises ; le scellement est fait par des chevilles qui traversent en biais du dessus aux côtés. La partie supérieure du couvercle donne les saillies de la tête, des seins et des pieds. Les saillies sont des morceaux rapportés comme nos collages mais, au lieu de colle, ils sont tenus avec des chevilles en sens opposés. L’endroit rond presque uni, des seins aux pieds, est gravé d’écritures régulières franchement coupées, des savants en donnent la traduction : « Osiris, roi du Nord au Sud, Mem-Kau-Rà vivant pour toujours, etc ».
Le bois de tout le coffre fut réglé à la gouge et au ciseau en bronze et aussi avec les outils en pierre. Il est d’une régularité qui dénote d’habiles ouvriers, qui connaissaient comme on vient de le voir les assemblages à queues, à clés et à chevilles. Il faut constater
À part les écritures, jusqu’ici les formes des objets en bois n’ont pas encore la tournure du style égyptien, ce n’est que dans un millier d’années que l’on verra des sarcophages, des sièges, des trônes, etc., ayant un caractère original, quand il s’affirme comme art et que, comme école, il impose pour les mêmes objets de semblables dispositions de goût. Après, l’art est flegmatique, parce qu’il s’est trop reposé sur quelque chose qui fut bien, mais qui n’est pas l’idéale perfection (vers laquelle on doit toujours se diriger sans jamais l’atteindre ; néanmoins c’est la seule route de la Vérité et du Bonheur).
Le châtaignier fut beaucoup employé dans les coffres égyptiens. Il existe, au British-Muséum, une statue en bois de chêne ou de châtaignier de demi grandeur naturelle ; elle fut trouvée dans le caveau d’une tombe de la IVe dynastie (3.700 ans av. J.-C.). D’après les écrits, elle représente le maire de Sakkara, ville au Sud de Memphis. Le physique de la figure n’a rien du type égyptien. Son modelé indique que l’ouvrier du bois qui la tailla était un artiste savant. À part sa vétusté cette statue passerait facilement pour avoir été faite de nos jours. Si nous pensons aux outils de pierre et de bronze d’alors, on conçoit qu’il fallut beaucoup de temps pour mettre au point et finir un aussi fort bloc de bois.
De l’ancien empire, c’est-à-dire jusqu’à 2.466 ans avant J.-C., les coffres ou cercueils se ressemblaient en dessin et en assemblage, seules les épaisseurs des bois varient suivant le rang des personnages à y placer. Ainsi, récemment, le président Carnot, Léon le treizième, et d’autres furent vidés de leurs tripes et embaumés, puis mis dans des cercueils en plomb et dans un autre en chêne décoré pompeusement. Voilà bien une preuve que nous n’avons guère progressé depuis