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le désir de vivre d’une façon normale en se procurant les ressources indispensables que n’assurent pas les salaires du travail « honnête ».

Le cambriolage est réprimé dans tous les pays du monde, comme une atteinte à la propriété privée, individuelle ou collective, et cela se conçoit puisque tout l’ordre social est élaboré sur ce principe de propriété. La sévérité avec laquelle la justice sévît contre les cambrioleurs, se comprend d’autant plus, qu’en général, ceux-ci sont issus de la classe pauvre, et n’ont pas acquis, par l’instruction et l’éducation, les moyens d’user de procédés légaux, tels que le commerce, l’industrie, la banque, l’assurance, pour s’approprier le bien du prochain ; d’autre part, le cambriolage s’exerçant, d’une façon presque exclusive, au détriment d’individus appartenant à la bourgeoisie, cela suffirait à expliquer la férocité de la répression.

Vu ses risques, le cambriolage nécessite un certain courage physique, et une énergie indéniable ; il ne peut cependant pas être présenté, sur le terrain de la lutte de classe, comme une doctrine de révolte ou comme un moyen de libération sociale. Durant les périodes de trouble, et plus particulièrement à l’aube de l’Anarchisme, certaines individualités se réclamant de l’Anarchie se livrèrent à cette action dans un but totalement désintéressé. En Italie, en Espagne, et surtout en Russie, sous le régime tsariste, lorsque la répression s’exerçait violente contre les révolutionnaires et que la propagande engloutissait les faibles ressources du mouvement, des hommes se dévouaient et, au péril de leur liberté et même de leur vie, s’attaquaient à la propriété bourgeoise pour étendre financièrement les moyens de lutte. L’expérience a démontré, depuis, l’inopérance de ces actions, pour assurer la vie d’un grand mouvement qui doit s’appuyer sur le peuple et ne vivre que par la sympathie et l’effort des opprimés ; et l’on peut dire que le cambriolage, du point de vue anarchiste, n’est plus aujourd’hui qu’un accident.

L’État et les gouvernements se réservent cependant un droit au cambriolage. Celui-ci prend alors le nom de perquisition. (Voir ce mot.)

En conséquence, déterminé par le capitalisme, le cambriolage ne disparaîtra qu’avec lui.

On lira avec intérêt, les déclarations de l’Anarchiste Jacob, devant la Cour d’assises de la Somme, et qui furent publiées en brochure sous ce titre : « Pourquoi j’ai cambriolé ». ― J. Chazoff.


CAMÉLÉON. n. m. (du latin camelus, chameau ; leo, lion). Le caméléon est un petit reptile habitant les contrées les plus chaudes de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique. Certains naturalistes le classent dans la famille des lézards, d’autres l’en séparent. Ce reptile a le corps de forme triangulaire, et son dos qui se termine en lame de rasoir semble parfois devenir tranchant ; sa peau est recouverte de petits tubercules, ses yeux très gros lui sortent de l’orbite, et sa queue retournée lui permet de s’accrocher aux branches. Comme le chameau, très sobre de sa nature, le caméléon se nourrit de mouches qu’il attrape en dardant sur elles sa langue très longue ; mais il peut rester de longs mois sans absorber aucun aliment. Absolument inoffensif, le caméléon est très lent à se déplacer et est en conséquence victime de tous les animaux qui veulent l’attaquer, car il est totalement dépourvu de moyens de défense, c’est ce qui explique probablement ses longues stations sur les arbres. Il est considéré, avec raison comme un animal utile, sa nourriture comme nous l’avons dit plus haut ne se composant que d’insectes nuisibles.

Un des traits caractéristiques du caméléon est la

faculté qu’il possède de changer de couleur à volonté, et de passer ainsi inaperçu par ses ennemis. C’est pourquoi depuis longtemps déjà on compare au Caméléon, les hommes politiques sans scrupules qui n’hésitent pas à changer la couleur de leurs opinions pour s’attirer les sympathies et les faveurs du peuple.

La Fontaine disait : « Les Caméléons politiques abondent » et il n’avait pas tort. Malheureusement les hommes et plus particulièrement ceux qui appartiennent à la classe ouvrière, se laissent toujours séduire par les belles couleurs de la politique sans s’apercevoir que si celles-ci changent, les résultats restent toujours négatifs.

Une des autres qualités du Caméléon est de se gonfler d’air au point de doubler son diamètre. Encore une autre raison, de prêter son nom, aux ambitieux et aux hypocrites.

En résumé, si le Caméléon-animal est utile aux populations des pays qu’ils habitent, le Caméléon politique est un être nuisible qu’il faut combattre comme un fléau social.


CANAILLE. n. f. (de l’italien canaglia, troupe de chiens). On appelle canaille un ramassis de gens méprisables. La canaille est souvent aux honneurs. Depuis le banquier et le mercanti, jusqu’au politicien et au militaire, la canaille règne en maîtresse dans la société actuelle. De petite ou de grande envergure, suivant qu’elle a plus ou moins bien réussi, elle exploite et dupe de toutes les façons, la masse des travailleurs. Aucun scrupule ne l’embarrasse. Pour arriver à ses fins, pour assouvir sa soif d’argent ou de pouvoir, elle est prête à tous les crimes. Tous les moyens lui sont bons. Les accapareurs affameront le peuple pour arrondir leurs revenus et réaliser de scandaleux bénéfices. Les soudards galonnés enverront à la mort des milliers de jeunes garçons pour se tailler une sanglante gloire. Les politiciens feront de leur talent le plus vil commerce pour satisfaire leur ambition. Les prêtres exploiteront et monnayeront sans vergogne le besoin de mysticisme de l’homme. Et cette canaille opprimera le monde jusqu’au jour où les travailleurs, enfin conscients de leurs droits, se refuseront à être plus longtemps des instruments passifs de bourgeoisie. La canaille sera emportée par le flot régénérateur de la Révolution sociale.


CANDEUR. n. f. (du latin candor, blancheur éclatante). Ingénuité, confiance naïve. L’homme candide est sans défiance et accepte aveuglément ce qu’on lui dit. Si la candeur dénote une bonne nature, elle n’en est pas moins un défaut, car elle permet à une caste d’intrigants d’opérer impunément par le mensonge et la tartuferie. Le peuple est, hélas, affligé de beaucoup trop de candeur. Malgré qu’il ait été trompé mille et mille fois, il suffit qu’un charlatan se présente pour qu’il se laisse de nouveau berner. Il accepte comme argent comptant les promesses les plus fantaisistes et les déclarations de foi les plus suspectes. Rien ne décourage sa confiance tenace. Parfois une brève colère le fait se dresser quand il s’aperçoit qu’il vient d’être dupé, mais que, l’instant d’après, le même homme qui l’a trompé vienne lui donner de fallacieuses explications et voilà de nouveau le peuple prêt à écouter des boniments. Candeur : voter pour des politiciens de droite ou de gauche qui cherchent uniquement à satisfaire leur ambition. Candeur : accepter les discours de soi-disant « ministres de Dieu sur la terre ». Candeur : se figurer que les guerres ont pour objet de défendre la « patrie » alors que seuls sont en jeu des trusts ou des compétitions financières. Candeur : croire exactes des informations que publie une presse vendue aux puissances capitalistes. Candeur : considérer comme des actes de