Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
COL
366

disparu l’autorité et que la société harmonique unira tous les hommes, que disparaîtront les Collisions.


COLLUSION. n. f. Accord ou entente entre une ou plusieurs parties au préjudice d’un tiers.

La collusion est entrée dans les mœurs et elle s’exerce dans toutes les branches de l’activité humaine. Dans une Société où tout se commercialise, où tout s’achète et se vend, où le succès légitime toutes les bassesses, où l’intérêt d’une classe ou d’un individu est subordonné à une autre classe ou à un autre individu, la collusion ne peut être qu’une arme courante. Que ce soit, dans le commerce ou dans la politique, la collusion exerce ses ravages. En commerce, c’est l’entente secrète inavouée entre plusieurs groupes de commerçants, d’industriels et de mercantis pour écraser un concurrent dangereux ; en politique, c’est l’association de divers éléments adversaires en apparence, mais qui, derrière le rideau, s’entendent à merveille pour tromper les électeurs. Que de fois les Anarchistes n’ont-ils pas signalé la collusion manifeste de certains candidats aux élections municipales ou législatives ! Lorsqu’un des aspirants députés voit ses chances disparaître, il hésite rarement à vendre le nombre des voix qu’il a acquises, même lorsque le bénéficiaire est un adversaire. Toute la politique ne repose que sur la collusion et, cependant, le prolétariat, qui en est la première victime, se refuse à voir clair, et accorde encore une certaine confiance à tous les fantoches qui se rient de sa misère. Dans la magistrature, il n’en est pas autrement, et l’indépendance des magistrats n’est que superficielle. Durant la dernière guerre de 1914, la collusion entre la « Justice » et le gouvernement s’étalait en plein jour, et ce scandale était accepté avec passivité par la population ; et même en période de paix, nous pouvons nous rendre compte que la condamnation des militants révolutionnaires n’est que la conséquence non seulement d’une collusion effective entre les gouvernants et les magistrats, mais aussi d’une collusion occulte entre ces derniers et les classes privilégiées. Il n’y a aucune disposition particulière à prendre contre la collusion. Tout ce que nous pouvons faire : c’est de nous éclairer, de nous instruire, de rechercher les causes du mal et de mettre le fer rouge dans la plaie. Tant que les hommes seront paralysés par leur ignorance, tant qu’ils se refuseront à avoir des yeux pour voir, et des oreilles pour entendre, ils seront les victimes de la collusion et des charlatans qui s’en servent pour dominer le monde.


COLONIE — COLONISATION. n. f. Si vous cherchez dans les livres des géographes et des économistes, la définition de ces deux mots, et surtout du mot « colonisation », vous y trouverez à peu près ceci : « On donne le nom de colonisation à une forme particulière de l’émigration, par suite de laquelle le pays où s’établissent les émigrants est approprié et fécondé par leur labeur, et voit, grâce à eux, toutes ses ressources se développer de la manière la plus complète. La colonisation résulte donc de mouvements d’hommes civilisés à divers degrés et de diverses manières dans des contrées différemment traitées. » D’où il résulte, toujours d’après les géographes et les économistes, que cet effort peut donner naissance à deux sortes de colonies : 1° Les colonies de peuplement ; 2° les colonies d’exploitation.

Les premières comprennent celles dont les conditions de climat et de nature permettent l’établissement à demeure des immigrants, leur acclimatement et la fondation d’une famille.

Les colonies d’exploitation, au contraire, sont celles où le climat interdit de s’y fixer sans esprit de retour

aux immigrants, qui doivent se borner à exploiter, par le commerce, et encore temporairement, les produits du pays. Avec un peu plus de franchise, certains économistes appellent ces dernières colonies de « conquête ».

Telle est dans son essence même, et avec toute son hypocrisie la doctrine adoptée par les Sociétés capitalistes et bourgeoises, commentée dans les livres et enseignée officiellement dans les écoles.

Telle n’est pas la doctrine de celui qui, l’esprit et le cœur épris de justice et d’humanité, a pénétré lui même jusqu’aux réalités qui se cachent dans cette phraséologie livresque.

Par son importance et les développements qu’elle exige, cette question, qui est toute la question coloniale, ne saurait être traitée en un seul article. Considérée ici dans sa généralité, elle sera reprise pour être épuisée aux mots : Guerre (coloniale), Impérialisme (colonial), Sadisme (colonial).

Avec ces trois mots, sera faite à peu près intégralement l’histoire de la colonisation capitaliste et bourgeoise.

Il suffira de dire aujourd’hui que, d’une façon générale, cette histoire, c’est-à-dire l’effort colonial des peuples prétendus civilisés, est tout entière dominée par l’abominable conception des races supérieures et des races inférieures : les premiers ayant sur les seconds tous les droits que donne la Force.

C’est au nom de cette conception, remplaçant celles d’Humanité et de Justice que l’on continue, et que l’on continuera longtemps à exploiter la faiblesse à imposer comme unique loi aux pays colonisés (lisez : conquis), le bon plaisir du soldat et comme unique régime : le massacre, la spoliation et le vol.

(Voir les mots Guerre, Impérialisme, Sadisme.)

P. Vigné d’Octon.


COMBATIVITÉ. n. f. Selon Lachatre, la combativité est la faculté qui porte l’homme à repousser l’agression, à défendre sa vie, sa demeure, ses enfants ; son développement excessif annonce un esprit querelleur, aimant les rixes, la guerre, et pouvant pousser le courage jusqu’à l’extrême témérité. Selon nous, cette définition de la combativité n’est pas tout à fait exacte, et l’on peut pousser la combativité à l’extrême sans pour cela être animé par un esprit querelleur et guerrier. Cette définition de la combativité fut peut-être exacte à l’époque où seule la force brutale dirigeait le monde ; mais de nos jours, où la pensée, les idées exercent une certaine influence ― et non des moindres ― sur l’orientation des sociétés, la définition de Lachatre nous parait incomplète.

Et, en effet, la combativité ne se manifeste pas seulement dans le domaine physique, mais aussi dans le domaine moral et intellectuel. Il faut autant de courage pour se défendre contre l’adversaire qui s’adresse à vous, armé de toute sa science ou de tous ses préjugés, que pour lutter contre celui qui use de la brutalité et de sa force physique. Quelle que soit la façon et la manière dont il est attaqué, celui qui se défend, qui use de toute son énergie et dépense toute sa combativité pour résister à l’ennemi est un être combatif. La combativité est le corrolaire de l’action, et l’homme combatif est un élément précieux dans une organisation politique et sociale. La combativité, c’est l’essence de toute vie, c’est la source de tous les progrès et aussi de toutes les espérances. C’est donc une qualité, et si elle n’est pas mise au service d’une mauvaise cause, de l’intérêt ou de l’ambition, on ne peut que souhaiter son développement dans les rangs de la classe ouvrière, qui a un rôle historique à remplir et qui ne triomphera que grâce à sa combativité, sa volonté et son énergie.