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l’étude de ces questions devant être laissée au Congrès général des Syndicats ; et 2° Que tous les Congrès administratifs doivent se tenir à la même époque et dans la même ville. Pour sanctionner ce vœu, il décide que les futurs Congrès des Bourses du Travail n’inscriront à leur ordre du jour que les questions intéressant les Bourses du Travail.

Cette résolution fut acceptée par 25 voix contre 5.

Ainsi fut défini le régime sous lequel devaient se tenir pendant 8 années les assises nationales du mouvement syndicaliste français.

Le Congrès de la C. G. T. s’ouvrit aussitôt après, avec 71 délégués représentant 203 organisations corporatives. Il discuta surtout l’attitude des syndicats vis-à-vis de la politique.

« Les questions politiques disait Keufer, les rivalités d’école qu’on ne compte plus, ont dispersé les effets, augmenté les divisions et l’impuissance. »

Ne se croirait-on pas en 1925 ? Les délégués furent unanimes à écarter des Syndicats « ce brandon de discorde », en même temps qu’ils précisèrent, comme suit, la mentalité, syndicale.

Le Congrès corporatif de Tours invite les organisations corporatives à se tenir à l’écart de toute action politique.

On aurait aujourd’hui grandement besoin de revenir à cette saine conception du syndicalisme.

Le principe de la grève générale fut aussi accepté à la presque unanimité avec une précision importante dont la valeur reste totale aujourd’hui.

La grève générale comme la grève partielle, sont des conflits d’ordre économique, et si, après les Syndicats, l’idée en a été propagée par des groupements politiques révolutionnaires, qui acceptent les décisions des Congrès ouvriers au lieu de les combattre, ils n’en conservent pas moins un caractère de lutte purement syndicale.

Le Congrès ne faisait pas, toutefois, de l’acception de ce principe, une condition formelle et absolue à l’admission à la C. G. T.

Tours marquait un très gros progrès sur les Congrès antérieurs. Il restait beaucoup à faire pour faire passer son œuvre théorique dans le domaine des faits.

Ce fut l’œuvre du Congrès de Montpellier en 1902. Entre temps, les deux organisations (Bourses et Syndicats) vécurent côte à côte sans cesser d’avoir leur vie propre, se querellant souvent, méfiante l’une vis-à-vis de l’autre. La Fédération des Bourses dominait manifestement, sous l’admirable impulsion de Pelloutier. Elle traduisait fréquemment ses craintes d’être absorbée par la C. G. T. À son Congrès de Toulouse, en 1897, elle se montra renforcée et agissante, désireuse d’étendre son action aux milieux ruraux et maritimes, dont Pelloutier avait pressenti le grand rôle dans la révolution économique.

Le Congrès des Syndicats, moins important, tenta, lui aussi, de définir les attributions et représentations des deux organismes au sein de la C. G. T.

Toulouse fut un essai d’unification qui aurait dû logiquement se continuer à Rennes en 1898. Ce fut le contraire.

Ce Congrès de Rennes aboutit en fait à la séparation des deux sections Confédérales. Aucun doute n’est permis lorsqu’on lit dans la résolution adoptée, ce passage significatif :

Les deux organismes constituant la Confédération (Comité National et Fédérations des Bourses) ne se réunissent qu’en cas d’événements imprévus et nécessitant manifestement une entente.

Si l’idée d’Unité subsistait, elle n’était pas moins en recul quant à la réalisation.

En somme, la C. G. T. ne constituait qu’une sorte

de lien moral entre les deux Organisations qui la composaient. Des militants virent immédiatement le danger d’une telle situation. On sera obligé de les réunir à nouveau disait Braun (Fédération de la Métallurgie). « Le Congrès de Rennes n’a pas fait de bonne besogne ». La question de votation fut aussi posée au 10e Congrès Corporatif National. Il s’arrêta au système du vote unitaire par Syndicat, quelle que soit l’importance numérique de celui-ci. Cette question reviendra d’ailleurs par la suite devant les Congrès suivants. Elle n’a pas cessé de se poser et continuera à l’être pendant longtemps encore.

À cette époque, nous étions en plein dreyfusisme, et le Syndicalisme ressentait fortement les secousses de l’agitation provoquée par cette affaire Dreyfus ainsi que par les crises industrielles qui se produisirent alors.

Aussitôt le Congrès de Rennes terminé, la grève des Terrassiers de la Seine, auxquels s’étaient joints un grand nombre de travailleurs du Bâtiment, battait son plein. 50.000 ouvriers au moins étaient en grève. Le moment parut propice pour engager la lutte et déclencher la grève générale.

Les Fédérations des Métallurgistes et des Cheminots se montrèrent très enthousiastes pour ce mouvement. C’est surtout de la Fédération des Cheminots que le signal était attendu pour ce mouvement, dont on escomptait beaucoup en raison de l’effet politique et économique qu’il ne devait pas manquer de produire, à la veille de l’Exposition Universelle de Paris (1900).

Le Gouvernement ayant intercepté les ordres de grève des Cheminots, l’échec fut complet dans cette corporation et, par répercussion, dans toutes les autres.

Lagailse, secrétaire de la C. G. T. et secrétaire adjoint des Cheminots, démissionna.

Par contre, les organisations du Bâtiment, mais elles seules, obtinrent de sensibles améliorations qui devaient, par la suite, largement contribuer au développement du syndicalisme dans cette importante industrie.

L’agitation au sujet de l’affaire Dreyfus sépara en deux groupes les forces ouvrières. Pendant que les unes étaient pour la révision, avec ceux qui suivaient Jaurès et Allemane dans le Parti socialiste, les autres se tenaient dans la neutralité. Les anarchistes participèrent, eux, activement à l’agitation « Dreyfusarde » avec Sébastien Faure, au premier rang de la bataille.

L’aboutissant de cette campagne fut le triomphe de la coalition des gauches et l’entrée de Millerand dans le ministère Waldeck-Rousseau, aux côtés de Galiffet le massacreur des Communards. Drôle de symbole qui prendra par la suite toute sa signification, lorsque Millerand arrivera au pinacle.

Et c’est à ce moment que s’ouvrit ce qu’on a appelé la période du Millerandisme, dont le but consistait à enrégimenter les forces ouvrières pour soutenir un pouvoir d’État chancelant. Le programme du Millerandisme fut exposé à Saint-Mandé en 1901, par son auteur.

Quoique habile, ce calcul n’eut pas les résultats attendus par les libéraux flanqués de Millerand-le-Renégat.

Toutes les prévisions de Millerand furent détruites et ses espoirs furent mis à terre par la grande grève du Creusot qui devait forcer 3.000 ouvriers à s’exiler et aboutit à la négation du droit syndical dans la contrée soumise au bon plaisir de Schneider.

L’incident sanglant survenu au cours d’une grève à la Martinique détourna définitivement les ouvriers du Millerandisme.

Entre temps, eut lieu, à Paris, le Congrès des Bour-