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gionales, les Fédérations diverses, de suivre les clauses stipulées au paragraphe premier du prisent article.

« Nulle organisation ne pourra être confédérée si elle n’a au moins un abonnement d’un an à la Voix du Peuple.

« C’est le texte qui expose ce qu’on a appelé la triple obligation Confédérale qui est toujours en vigueur. Ainsi, par ce double jeu des organismes secondaires, chaque Syndicat est adhérent à la C. G. T. par le canal des Bourses et celui des Fédérations.

En premier lieu, elle est décentraliste, dans le domaine social et elle est, dans la seconde partie, centralisatrice sur le terrain corporatif et professionnel. L’organisation centralisée se comprend d’elle-même. Elle résulte de la nécessité de resserrer, autant que possible, le lien qui unit, par la Fédération, les Syndicats d’une même industrie, dont les intérêts professionnels sont identiques.

L’organisation décentraliste ne soulève non plus aucune objection. La C. G. T. ne peut ni ne doit vivre par en haut, par la tête. Son activité, sa propagande, son action sociale, sont l’œuvre de toutes ses cellules. Les Syndicats et surtout les Bourses du Travail en sont les facteurs d’exécution et d’action. Ils propulsent la C. G. T. en même temps qu’ils agissent par eux-mêmes.

Aux idées de « Craft unionism », c’est-à-dire de corporatisme, elle oppose le principe d’une organisation plus solide, plus agissante, le système de l’Industrial-unionism, ou action industrielle base de l’action sociale.

La représentation de la section des Fédérations est assurée par un bureau et un Comité composé d’un représentant par Fédération. Le secrétaire de cette section était en même temps secrétaire de la C. G. T.

Quant à celle des Bourses elle était assurée par un Comité fédéral des Bourses ayant à sa tête un secrétaire.

En fait, la C. G. T. n’ordonne pas, elle ne décide rien. Elle est sous le contrôle permanent des deux Comités fédéraux (Bourses et Fédérations) qui ont charge, eux, d’appliquer les décisions des Congrès.

Le Bureau Confédéral enregistre, sert à l’échange des correspondances, prépare des statistiques.

Il en sera du moins ainsi jusqu’en 1912, au Congrès du Havre, qui modifiera considérablement la structure Confédérale. Quoi qu’en disent les militants confédéraux (C. G. T. ou C. G. T. U.), les deux C. G. T. sont aujourd’hui centralisées et la décentralisation n’est plus réelle, ne joue plus. C’est ce qui explique un peu la succession de crises qui se dérouleront de 1914 à 1925 sans qu’on en aperçoive d’ailleurs la fin. La mainmise des Fédérations sur l’organisme Confédéral, celle plus forte encore du Bureau Confédéral sur toute la C. G. T. (Syndicats, Unions, Fédérations), ont placé, en réalité, la C. G. T. entre les mains de quelques hommes qui ordonnent, exécutent, décident, sans qu’un contrôle suffisant s’exerce. Sans doute tout cela n’est possible que parce que les militants, les Syndicats, les Fédérations, les Unions, ne contrôlent pas assez fréquemment leurs Bureaux, leurs Conseils, leurs Comités et parce que la plupart du temps, ils enregistrent au lieu de discuter et de dicter leurs volontés. Et ils subissent ainsi tactiques et méthodes qu’ils devraient condamner. Les déviations successives du syndicalisme viennent toutes de cette carence totale, de cette absence de contrôle. Approuvés, parce qu’ils surent faire adopter leurs points de vue, avaliser leur conduite, ratifier leurs attitudes, les militants fédéraux et confédéraux, ceux-ci inspirant ceux-là, ont de proche en proche, abandonné lentement mais sûrement, sans s’en apercevoir toujours, les principes essentiels du syndicalisme. Il n’y a pas d’autres raisons syndicales à la crise. Les

autres sont d’ordre politique et on les retrouve à toutes les périodes de l’histoire ouvrière.

Depuis le Congrès de Montpellier en 1902, la C. G. T. tint jusqu’à la guerre cinq Congrès : Bourges (1904), Amiens (1906), Marseille (1908), Toulouse (1910), Le Havre (1912). Un sixième était en préparation à Grenoble, lorsque la guerre éclata en 1914.

Le Congrès de Bourges, en 1904, eut, tout de suite, une très grosse importance. Il s’agissait de déterminer l’action Confédérale. Serait-elle réformiste et conciliatrice, ou révolutionnaire et directe ? Telles étaient les deux questions posées au Congrès. Pendant que le Livre, les Tabacs, les Chemins de fer étaient partisans des premières, les autres, notamment le Bâtiment, les Métaux, etc., étaient partisans de la seconde.

Le premier point de vue fut soutenu par Keufer du Livre, qui s’exprima ainsi :

« Nous n’admettons pas, disait-il, que la transformation sociale se fera par une révolution brusque ; il faut d’autres moyens pour nous conduire vers l’idéal auquel chacun de nous aspire ; il faut une longue préparation mentale, il faut une modification morale des individus.

« La violence n’est pas le meilleur moyen pour obtenir satisfaction et la méthode révolutionnaire est dangereuse en ce sens, qu’elle amènera inévitablement des représailles dont les travailleurs seront victimes.

« C’est pourquoi nous maintenons notre opinion, nos préférences pour la méthode réformiste, sans enlever la liberté des autres organisations qui préconisent L’action révolutionnaire ; elles la feront à leurs risques et périls. »

On remarquera quelle différence il y a entre le réformisme et la collaboration de classes qui triomphe de nos jours. Pendant que Keufer recommandait la prudence, Jouhaux, aujourd’hui, entre dans les organismes du Gouvernement, délibère avec les capitalistes qu’il devrait combattre en application des principes du syndicalisme.

Les majoritaires — à l’époque les révolutionnaires — tenaient un langage différent. Que disaient-ils ?

« Ils proclamaient que le syndicalisme est l’expression d’une lutte entre deux classes très distinctes et irréconciliables : « d’un côté, ceux qui détiennent le capital, de l’autre les producteurs qui sont les créateurs de toutes les richesses, puisque le capital ne se constitue que par un prélèvement effectué au détriment du travail ».

« Après cette constatation d’un antagonisme permanent, ils déclaraient que « c’est une illusion pour les travailleurs de compter sur les gouvernants pour réaliser leur émancipation » attendu, disaient les termes de la déclaration préalable inscrite en tête des statuts types de la C. G. T., que l’amélioration de notre sort est en raison inverse de la puissance gouvernementale. »

Et Jouhaux de conclure dans son ouvrage Le Syndicalisme et la C. G. T., pages 134-135 :

« Donc, double affirmation d’anti-capitalisme et d’antiétatisme, dont les auteurs tiraient la conséquence formelle, que les salariés, impuissants s’ils demeuraient isolés, doivent s’unir d’abord dans le Syndicat et par lui dans la C. G. T. pour mener eux-mêmes la lutte contre les oppresseurs.

« Ainsi, le syndicalisme révolutionnaire s’affirmait comme l’organisation du prolétariat en vue de la lutte à mener contre le capital pour la suppression du salariat. Il se déclarait hostile à toute entente permanente entre le capital et le travail, et il proclamait le principe de l’action continue contre le patronat, la méfiance de l’État et la nécessité de l’action directe, de la pression immédiate des producteurs. Il ne répugnait pas aux améliorations des conditions de travail ni aux réformes