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terdire la continuation du Congrès. Il est visible que la majorité, stimulée par le Pouvoir, cravachée par les hommes du démocratisme social cherche la rupture. La minorité, quoique divisée en elle-même, ne se prête pas à cette besogne. Le Congrès continue. Une fois de plus — et ç’eût dû être la dernière — Jouhaux et ses amis triomphent.

La division s’accentue cependant entre les fractions de la minorité et au Comité Confédéral de septembre, une réunion extraordinaire du Comité Confédéral de septembre est convoquée.

La C. G. T., de son côté, brusque les choses. Dumoulin reprend sa motion d’exclusion. Il l’aggrave et somme les délégués de le suivre. Il ne triomphe qu’à une voix de majorité. À toute force, il est patent que la majorité confédérale veut la scission. Elle veut aussi dissoudre les C. S. R., ce que refusent les délégués minoritaires au C. C. N. après délibération du Comité Central.

La situation empire. Les exclus sont plus nombreux qu’avant Lille. La minorité tout entière se solidarise avec eux. La scission est désormais inévitable. C’est à ce moment que se tient le Congrès de l’U. D. de la Seine où Monmousseau prononce son dernier discours à peu près syndicaliste et tente déjà sa conversion communiste. Il n’y parviendra pas et devra s’incliner après l’intervention du Bureau des C. S. R.

Mais le malaise augmente. Il faut clarifier la situation. Une Conférence des Unions départementales est convoquée en novembre. Elle marque le désaccord sans cesse plus profond des partisans composant les C. S. R. et décide la convocation d’un Congrès auquel seront convoqués tous les Syndicats du pays pour protester contre la décision qui frappe d’ostracisme la moitié au moins des Syndicats du pays. 1550 Syndicats y participeront.

Ce Congrès se tiendra fin décembre 1921. Sa première tâche sera de désigner une délégation qui aura charge d’informer la C. G. T. de la tenue de ce Congrès et de son importance.

Elle se rend au siège confédéral, 211, rue Lafayette, où elle ne rencontre que Lapierre, secrétaire adjoint de la C. G. T. qui a mission de ne pas discuter et ne reçoit la délégation que par courtoisie.

Bien que prévenus, Jouhaux et Dumoulin sont absents, en délégation internationale.

Après une discussion qui fut parfois tragique, Lapierre accepte cependant de convoquer la C. E. de la C. G. T. et de donner une réponse pour le soir à 6 heures et par écrit.

Ne recevant aucune communication, le Congrès décide d’envoyer à la rue Lafayette une délégation restreinte pour connaître la réponse. J’en fais partie avec Monmousseau, Fourcade, Carpentier, Gauthier.

Nous trouvons portes closes. Le Congrès attend impatiemment notre retour. Nous rentrons immédiatement, et nous apprenons, par un communiqué que la C. G. T. considère que les organisations qui participent au Congrès se sont placées en dehors de la Centrale Nationale. C’est, on ne se le dissimule pas, la rupture. C’est alors que, mis au courant, le Congrès décide que la C. G. T., dont les Syndicats présents constituent la majorité, continue sur la base de ses statuts constitutifs définis à Amiens en 1906. La destitution du Bureau Confédéral est prononcée. Ce n’est d’ailleurs qu’une décision de pure forme. Il y a, en fait, deux C. G. T., sinon officiellement, du moins en réalité.

En effet, le Congrès ne peut échapper à la nécessité, inéluctable d’ailleurs, de désigner, un Bureau Confédéral et une Commission Exécutive provisoires.

Totti, Cadeau et Labrousse sont appelés à ce Secré-

tariat provisoire. Pendant deux mois encore, on essayera sans succès de recoller les morceaux. Ce sera en vain. On ne pourra y parvenir, la C. G. T. s’y opposera chaque fois. Il faudra bon gré, mal gré, se décider à considérer la scission comme réalisée. La C. G. T. U., un moment arrêtée dans son recrutement et sa propagande par le souci de renouer les rapports entre les deux grandes fractions du syndicalisme, prend maintenant un rapide essor, encore que la lutte des tendances ne se soit pas ralentie à l’intérieur.

Après deux Comités Nationaux, au cours desquels s’y affronteront avec force les défenseurs du syndicalisme et ceux du Parti Communiste, il fut décidé qu’un Congrès Confédéral Constitutif aurait lieu à Saint-Étienne en juillet 1922.

La tension internationale entre le Bureau et la C. E. provisoires de la C. G. T. U. et les Bureaux de l’Internationale Syndicale rouge et de l’Internationale Communiste est à l’état aigu.

À Paris, quoi qu’on en dise, les syndicalistes font tout pour empêcher une rupture totale, soit par des conversations avec les délégués des Exécutifs russes, soit par des propositions concrètes à ces Exécutifs, dont les plus importantes seront soumises par Griffuelhes à Lénine, Zinoview et Lozovsky. Ce fut en pure perte. Les russes restèrent intransigeants. On peut dire, aujourd’hui, sans crainte d’erreur, que la rupture leur incombe et à eux seuls.

Les dernières propositions du Bureau provisoire contresignées par un certain nombre de membres les plus influents de la C. E. n’eurent pas davantage de succès.

Parallèlement à cette action, se déroulait sur le plan national l’offensive du Parti communiste et de ses alliés syndicaux, le tout sous la direction de Frossard, mandataire de l’Exécutif de Moscou, dont il appliquait d’ailleurs les ordres avec une mollesse qui lui sera reprochée par la suite.

Par sa conduite, en ces circonstances tragiques, Frossard n’en aura pas moins assumé de redoutables responsabilités. Pour n’avoir point rompu à temps avec ceux qui dirigeaient l’offensive, après l’avoir souvent annoncé pour avoir tantôt paru céder, tantôt semblé résister, il fut un des hommes qui facilitèrent grandement la mainmise du Parti communiste — dont il dirigea d’ailleurs l’offensive à Saint-Étienne — sur la C. G. T. U.

Entre temps, la C. G. T. U. fut sollicitée de participer à une Conférence convoquée par les Centrales syndicales non adhérentes à Moscou ou à Amsterdam. Sous réserve que la C. G. T. russe serait invitée, la C. E. décida, sur la proposition des syndicalistes communistes, que la C. G. T. U. participerait, à cette Conférence à titre d’information.

Cette Conférence se tint à Berlin, le 12 juillet 1922 et jours suivants. La C. G. T. russe y avait délégué un de ses secrétaires, Andréieff. La minorité russe y était également représentée. Une grande discussion s’y produisit au sujet des persécutions en Russie et sur un motif futile, la C. G. T. russe se retira, en se solidarisant avec la fraction Vecchi de l’Union Syndicale italienne, que la Conférence avait refusé d’admettre.

Les travaux de cette conférence seront examinés plus largement dans la partie internationale. Sur la pression de la délégation française, elle prit la décision de tenter un dernier effort d’entente avec l’I. S. R. avant de constituer une Internationale, dont elle fixa toutefois les principes et dont elle définit la doctrine.

La délégation de la C. G. T. U. à Berlin : Totti, Lecoin et moi-même, rendit compte de son mandat par un rapport adressé au Congrès de Saint-Étienne.

Ce Congrès constitutif de la C. G. T. U. marqua le