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1830, ni la faillite du socialisme d’État, avec Louis Blanc, en 1848.

Ils se rappellent que chacune de ces dates vit couler à flots le sang ouvrier et que le triomphe du prolétariat fut, chaque fois, rendu vain par les trahisons successives des Partis qui utilisèrent le levier populaire pour renverser une tyrannie et imposer la leur.

De telles expériences gardent les travailleurs pour l’avenir. Elles justifient aussi, et au-delà, leur fidélité aux principes du syndicalisme, à son action, aux buts qu’il poursuit.

L’U. F. S. A. croit d’ailleurs fermement que la situation est révolutionnaire ; économiquement, financièrement, politiquement et socialement. C’est pour elle, une raison de plus d’être fidèle à ses principes.

Pour parler net, elle ne voit de possibilité d’unité que dans l’action que les événements vont rendre indispensable. C’est donc de l’action seule, que peut, à notre avis, surgir l’organisation unique des travailleurs. C’est elle qui démontrera la nécessité d’employer les moyens d’action du syndicalisme et acheminera instinctivement les ouvriers vers leurs buts invariables d’affranchissement.

Par avance, l’U. F. S. A., en même temps qu’elle déclare la Paix à toutes les autres tendances du mouvement syndical et à leurs militants, est d’ores et déjà prête à collaborer avec les uns et les autres pour toute action qui aurait pour but la défense des intérêts ouvriers (salaires, 8 heures, vie chère, chômage, etc.,) ou qui tendrait à supprimer le salariat et à faire disparaître le patronat.

Elle est également prête à s’associer à toute action pratique et sérieuse dirigée contre la guerre, à la seule condition que cette action soit dirigée par les travailleurs et leurs organisations syndicales, même si celles-ci ne sont pas d’accord avec elle sur le caractère du deuxième stade d’une révolution qui doit normalement découler de cette guerre, dans les circonstances actuelles.

Pour conclure et se résumer, l’U. F. S. A. déclare :

1o Être prête à réaliser immédiatement l’unité organique par la reconstitution d’une seule C. G. T. basée sur les six affirmations capitales et de principe contenues dans la charte d’Amiens et rappelées d’autre part.

2o Être prête dès maintenant, à participer, comme force organique à toute action quotidienne, revendicative ou révolutionnaire dirigée contre le patronat et l’État bourgeois, jusqu’au jour où, conscients de leur vrai rôle social, les travailleurs groupés ou associés dans leurs syndicats, Unions, Fédérations, C. G. T. et Internationale uniques, reviendront d’eux-mêmes aux principes du syndicalisme et en assureront son triomphe définitif, en même temps que la libération du prolétariat, par la prise des moyens de production et d’échange et l’organisation sociale par la classe ouvrière.

La C. E. de l’U. F. S. A..

Pendant ce temps que fait la C. G. T. ? Elle traverse deux périodes totalement différentes. L’une qui va de décembre 1921 à mai 1924 et l’autre, qui commence à cette dernière date et dont le cycle n’est pas encore achevé.

Pendant la première, elle est quelque peu désorientée, perd de ses effectifs. Malgré qu’elle ait tenté de se rapprocher du Pouvoir sous Briand, Poincaré l’écarte. Elle ne peut, quelque désir qu’elle en ait participer à la conférence de Gênes où la Russie reprend pour la première fois contact avec le monde diplomatique extérieur.

Peu après, presque à la même date, la Fédération Internationale syndicale tient son congrès à Rome,

en 1922 Albert Thomas, y représente le Bureau International et participe aux travaux, ce qui a le don de mettre en colère Bourderon, qui quitte le Congrès. On y chante la louange de la Société des Nations et le Congrès syndical manifeste une répulsion aggravée pour la lutte de classe.

Après cette dure période de 1922 à 1924, la C. G. T. va connaître à nouveau les grâces du Pouvoir avec l’arrivée de Herriot et du Cartel des gauches qui viennent de triompher, en mai 1924, du Bloc national.

Le programme minimum de la C. G. T. se voit infliger la suprême injure d’être accepté par presque tous les candidats de ce Cartel aux élections de mai.

Le triomphe porte tout naturellement aux portes du Pouvoir les grands manitous confédéraux et fédéraux, qui s’installent un peu partout dans les Commissions instituées.

Mais les résultats réels se font attendre. Ni la nomination de Jouhaux comme représentant du Gouvernement au Conseil de la S. D. N. à Genève, ni celle de nombreux militants réformistes, par Painlevé, au Conseil National Économique et à l’Office national de la main-d’œuvre, pendant que d’autres entrent dans les conseils techniques de toutes sortes, ne permettent à la C. G. T. d’atteindre les buts qu’elle vise.

L’expédition du Maroc, qu’elle n’ose condamner formellement, les difficultés de tous ordres qui surgissent, les déboires causés par l’application du plan Dawes à l’Allemagne, la politique centriste de Painlevé tiraillé de gauche à droite, la rentrée politique financière de Caillaux ont tellement rendu la tâche de la C. G. T. difficile, que Jouhaux et ses amis regardent l’avenir avec effroi.

Il est à peu près certain d’ailleurs que le fiasco qui marquera la fin de l’expérience du Parti radical français, soutenu d’une façon intermittente par le parti socialiste, marquera aussi l’impuissance totale de la C. G. T. à concilier l’intérêt de classe avec l’intérêt général, les intérêts du Travail et ceux du Capital.

La désillusion qui s’en suivra chez les travailleurs, celle qui s’emparera d’eux après qu’ils auront constaté le néant des réalisations du parti communiste, surtout si les événements révolutionnaires forcent celle-ci à agir et à tenter d’appliquer son programme, ramèneront les ouvriers sur la route qu’ils n’auraient pas dû quitter : celle du syndicalisme, seule force de libération véritable.

Les Congrès des deux C. G. T. venant de prendre fin au moment même où je termine cette étude, il me semble impossible de n’en pas parler.

Ces Congrès ont été réunis à Paris à la même date (26 au 29 août 1925).

Dès sa première séance, celui de la C. G. T. U. qui se tenait au « Chaumont Palace » a désigné une délégation avec mission de proposer au Congrès de la C. G. T., réuni au « Manège Japy » de réunir les deux Congrès en un seul après les assises régulières des deux C. G. T. pour la réalisation de l’Unité Nationale.

De son côté, l’U. F. S. A. adressait une lettre à chacune des deux C. G. T. et à leur Congrès pour qu’une délégation puisse exposer le point de vue des autonomes sur l’Unité.

Le Congrès de la C. G. T. reçut la délégation de la C. G. T. U. et de l’U. F. S. A. le 2e jour.

C’est dans un silence absolu que Porreye, pour la C. G. T. U. et moi-même, pour l’U. F. S. A. nous donnâmes lecture des déclarations de nos organisations respectives.

Le Congrès prit acte et nous nous retirâmes.

Le lendemain le Congrès de la C. G. T. U. reçut le camarade Huart (Chaussure) qui vint lui donner connaissance du manifeste inséré d’autre part.