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De ces « négociations » nul résultat n’est sorti. La C. G. T. reste sur sa position. Son point de vue se résume en ceci : Unité chez elle.

Le refus formel de la C. G. T. a rendu inutiles toutes négociations. Plus que jamais l’Unité s’éloigne, quelles qu’en soient les nécessités.

Le congrès de la C. G. T. a précisé avec une telle clarté la ligne de conduite de ce groupement, sur le terrain de la collaboration des classes, de l’entente avec la démocratie, de la participation indirecte au Pouvoir, qu’il lui est impossible d’envisager une action commune le reste du prolétariat, comme il est désormais certain que celui-ci ne peut compter sur la C. G. T. pour une action de classe, quel qu’en soit le caractère.

Du côté de la C. G. T. U. le triomphe du parti communiste est total, l’asservissement du syndicalisme est complet et, à moins d’un concours exceptionnel de circonstances, il est certain que les syndicalistes ne pourront travailler en commun avec la C. G. T. U.

Reste l’U. F. S. A. seule avec son point de vue syndicaliste. Qu’en adviendra-t-il ? Je l’ignore. Les syndicats le diront.

Comme je le déclarais plus haut la situation reste inchangée.

Seuls les événements la solutionneront. Aux syndicalistes de savoir les utiliser.

Action internationale de la C. G. T.

Il me paraît nécessaire de faire remonter l’action internationale du mouvement ouvrier français à l’année 1862 qui marqua la première prise de contact des ouvriers français avec leurs camarades anglais, lors de l’Exposition universelle de Londres.

Cette prise de contact eut des lendemains féconds. La publication du manifeste dit « des Soixante » marqua une date importante du mouvement français, qui affirma le caractère de classe de son action.

Le retentissement de ce document — dont les conclusions, pour contradictoires qu’elles apparaissent aujourd’hui, firent sensation à l’époque — fut énorme.

Le recrutement des sociétés de résistance en fut considérablement augmenté. La répression brutale de la grève de la typographie parisienne accrut et surexcita l’agitation ouvrière.

Après avoir arraché le droit de coalition au gouvernement impérial apeuré par des conflits renouvelés, les travailleurs songèrent sérieusement à internationaliser leur action.

C’est en 1864 que fut constituée l’Association Internationale des Travailleurs, elle fut fondée à Londres le 28 septembre, après un meeting international tenu par les ouvriers au Saint-Martin’s Hall, en faveur le la Pologne martyrisée.

Constituée en 1865, la Section française, dont le siège était à Paris, rue des Gravilliers, participa au 1er Congrès de l’Internationale qui se tint à Genève en 1866.

Ce Congrès fut d’une haute tenue par ses discussions doctrinales et les décisions d’ordre pratique qu’il prit, notamment sur le principe de la réduction de la journée de travail à 8 heures, sur la suppression du salariat qui ne disparaîtra, disait-il, que par l’association coopérative des travailleurs. L’évolution de la grève générale qui fut faite à ce Congrès atteste que nos devanciers attachaient à cette forme de lutte une valeur certaine.

La Section française participa également au Congrès de Lausanne, en 1867.

Ce Congrès déclara en outre, que « l’émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipation politique et que l’établissement des libertés politiques est une mesure d’absolue nécessité ». Je pense qu’on pourrait aisément renverser les termes de cette

formule sans qu’elle perdît ni de sa valeur ni de force, bien au contraire.

Cette affirmation valut à la Section française d’être poursuivie, sans que se ralentissent pour cela, et l’action et la propagande de l’A. I. T. en France.

Les Congrès suivants marquèrent une nette orientation vers le collectivisme. César de Paëpe, un militant belge de haute valeur, joua un grand rôle dans cette évolution de l’Internationale.

Les Congrès de Bruxelles (1868) et Bâle (1869) accentuèrent cette évolution. Ils affirmèrent que la « propriété collective est une nécessité sociale, que la société a le droit d’abolir la propriété individuelle du sol et de le faire rentrer à la communauté ».

Mais, toutes ces discussions sur des sujets aussi vastes firent apparaître de graves oppositions non seulement dans les Congrès, mais au sein du Conseil Général de l’Internationale.

Pendant que déclinait l’influence des « mutualistes » français et que celle de Karl Marx grandissait, une autre tendance, celle des « fédéralistes », naissait avec Bakounine.

Fédéralistes bakouninistes et étatistes marxistes allaient s’opposer avec vigueur. Ce fut le commencement des luttes qui se poursuivent encore aujourd’hui.

Marx et Bakounine étaient en complet désaccord à la fois sur la conception générale de la Révolution et sur le rôle des syndicats.

Les marxistes ne voyaient de possibilité de réalisation révolutionnaire que par l’institution d’un État prolétaire et la constitution du prolétariat en parti politique, tandis que Bakounine et ses amis, dont James Guillaume fut le commentateur brillant et la Fédération jurassienne l’organisme d’action vigoureux, déclaraient que la reconstitution sociale devait avoir pour base la Commune, ce qui correspond au rôle que nous assignons aujourd’hui aux Bourses du Travail ou Unions locales.

D’autre part, en ce qui concerne le rôle des syndicats les divergences n’étaient pas moins grandes. Comme les communistes d’aujourd’hui, et en complète contradiction avec ses affirmations de Genève en 1866, Marx déclarait que les syndicats étaient des organes de défense corporative et qu’à la défense des intérêts professionnels devait se limiter leur rôle. Waldeck-Rousseau eut en Marx un précurseur certain et on ne s’étonne pas qu’il ait cherché à enfermer les syndicats dans une légalité qui leur attribuait ce rôle restreint.

Quels que furent les efforts de Bakounine, d’ailleurs trop occupé par son action à travers tous les pays de l’Europe Centrale et moins homme de plume qu’homme de combat, Marx triompha.

Il réussit à se débarrasser de Bakounine et de ses amis, mais l’Internationale ne survécut pas à cette victoire qui n’est peut-être pas sans analogie avec celle des communistes de nos jours.

Ce fut la fin de la 1e Internationale, dont la force fut insuffisante pour arrêter la guerre franco-allemande de 1870-1871.

Elle n’en avait pas moins joué un rôle fort important. C’est de cette époque que date la véritable conscience de classe internationale.

Sa formule si claire, si nette : L’émancipation des Travailleurs doit être l’œuvre des Travailleurs eux-mêmes, définit admirablement le caractère de l’action ouvrière. Les enseignements de la 1e Internationale, son expérience, ne sauraient être oubliés. Ils forment la base de notre activité.

Elle donna d’ailleurs à la Commune des militants de valeur. Varlin est la figure ouvrière qui domine cette époque. On le considère comme le premier Secrétaire de l’Union des syndicats de la Seine.