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preinte du costume le pousse à se livrer à des excès blâmables.

C’est surtout dans les expéditions coloniales, lorsqu’il opère contre des indigènes sans défense, que se manifestent la brutalité et la bestialité de certains soldats. « On détrousse les passants, on fait le contraire aux filles ; on vole, on viole, on massacre » (P.-L. Courier). Est-ce que ces lignes de Paul-Louis Courier ne s’appliqueraient pas admirablement aux pauvres inconscients, qui, en pays conquis, disposent non seulement du bien, mais aussi de la vie de leurs victimes ? Que de travail ne reste-t-il pas à accomplir pour éduquer tous ces malheureux qui n’ont pas encore compris que tous les hommes opprimés, qu’ils soient noirs ou blancs, sont leurs frères de misère, et qu’eux-mêmes ne sont que des jouets entre les mains de détrousseurs qui ne leur donnent jamais que l’os que l’on jette aux chiens.

Espérons qu’un jour tout cela changera, et que l’humanité rénovée ne sera plus divisée en détrousseurs et en détroussés, et que tous les hommes libres et égaux travailleront à perpétuer le bien-être et la fraternité.


DETTE PUBLIQUE. n. f. (du latin debitum, chose due ; ce mot s’écrivait autrefois debte). La dette est le contraire de la créance et l’on donne le nom de dette publique à celle contractée par les gouvernements afin de subvenir aux besoins de l’État.

Lorsque les impôts directs et indirects qui forment l’ensemble des ressources de la nation, ne sont pas suffisants pour couvrir les frais et les dépenses d’un gouvernement, celui-ci lance un emprunt, remboursable en un nombre d’années déterminées à l’avance, et paye à ses créanciers un intérêt fixe dont le taux varie en raison directe de la confiance inspirée par la situation des finances gouvernementales.

Mathématiquement, à mesure qu’augmentent les besoins de l’État et que grossit son déficit, la confiance baisse et ses emprunts se couvrent plus difficilement ; c’est alors que les gouvernements élèvent le taux de l’intérêt. Avant la guerre de 1914, la France trouvait de l’argent en payant à ses créanciers un intérêt de 3 à 3, 5 % ; mais, de nos jours, vu la situation déficitaire, il est obligé pour trouver des créanciers d’offrir un intérêt variant entre 6 et 7 %. On peut prétendre que le taux élevé de l’intérêt exigé par les prêteurs, a pour cause unique, la concurrence des entreprises privées qui offrent à leurs créanciers de précieux avantages et qu’en conséquence ceux qui possèdent quelques capitaux aiment mieux les placer dans le commerce et l’industrie que dans les fonds d’État. Il n’y a là qu’une part de vérité et plus particulièrement en ce qui concerne la France, pays « du bas de laine » où, d’ordinaire, le petit propriétaire, le paysan, l’employé ou l’ouvrier ayant réalisé quelques économies, préfèrent faire un placement de « père de famille », c’est-à-dire de toute sécurité, que de se lancer dans des aventures spéculatives, et être soumis aux aléas, aux incertitudes, aux fluctuations des affaires industrielles et commerciales.

Déjà avant la guerre, l’entreprise privée offrait à ses créanciers des avantages supérieurs à l’emprunt d’État, ce qui n’empêchait pas la population d’offrir son argent aux gouvernements, en se contentant d’un intérêt modique ; il faut donc en conclure que si, à présent, l’argent déserte les caisses de l’État, c’est qu’aux yeux des créanciers, L’État n’offre plus les garanties du passé. Nous verrons plus loin en étudiant la situation du Trésor français, que le créancier n’a pas tout à fait tort.

En France, la dette publique se compose : de la rente

perpétuelle, désignée ordinairement sous le nom de dette consolidée ; des rentes viagères et des pensions. En ce qui concerne la rente perpétuelle, l’État ne rembourse jamais le capital mais verse éternellement l’intérêt de la somme qui lui a été remise. Exemple : l’État vend de la rente à raison de 5 %, c’est-à-dire, qu’en échange de 100 francs, il remet à son acheteur un titre de rente qui permettra à ce dernier de toucher chaque année une somme de cinq francs. Naturellement, ce titre de rente est remis par son détenteur à ses héritiers qui, à leur tour, touchent l’intérêt de la somme donnée et transmettent également le titre à leurs héritiers. Et cela peut durer indéfiniment. Nous avons dit que l’État ne rachetait pas sa rente, et lorsqu’un « rentier » veut se débarrasser de son titre il est obligé de trouver un acquéreur et de le vendre en Bourse par l’intermédiaire d’un agent de change. Il se produit alors ce fait : le titre est soumis aux variations de l’offre et de la demande : s’il y a peu de vendeurs et quantité d’acheteurs, la valeur du titre monte ; si c’est le contraire qui se produit, sa valeur baisse. Dans le premier cas le vendeur revend, 110, 120, etc., ce qu’il a payé 100 francs ; dans le second, il subit une perte sèche.

A côté de cette rente perpétuelle que l’État est obligé de payer à ses créanciers et qui grève, et grèvera indéfiniment son budget, il y a la rente viagère et les pensions qui s’éteignent par le décès des titulaires. Si, considérée dans le temps, cette dette est moins lourde à l’État, par contre le taux de l’intérêt est généralement plus élevé, car le titulaire de cette rente sacrifie à l’intérêt tout son capital et son titre n’est, naturellement, pas transmissible à ses héritiers. Cela revient à dire, que la dette de l’État envers son créancier s’éteint à la mort de ce dernier.

À cette rente viagère et perpétuelle il faut ajouter la rente amortissable. Pour inspirer confiance à ses prêteurs éventuels, l’État émet parfois de la rente, qu’elle s’engage à racheter dans un laps de temps déterminé. A la date fixée le créancier de l’État est en droit de réclamer le remboursement de sa créance, mais il n’a d’autre ressource, s’il veut s’en débarrasser avant la date fixée, que de la vendre en Bourse, en se livrant à la même opération que s’il s’agissait de rente perpétuelle ou consolidée. Ces dettes que nous énonçons ci-dessus, qu’il est convenu d’appeler « dettes à long terme », et dont nous donnons le montant plus loin, ne sont pas les seules. Il y a également la dette flottante, qui s’accroît, méthodiquement, mathématiquement et dont le remboursement peut être exigé presque immédiatement par les créanciers de l’État.

Lorsque pour faire face à ses dépenses un gouvernement a compté sur les recettes normales et autorisées et que ses espérances ne se sont pas réalisées, il émet des bons du Trésor qu’il s’engage à rembourser dans un temps relativement bref. Cette masse flottante se renouvelle donc sans discontinuer, car l’État emprunte continuellement pour faire face à ses échéances, et a recours à « Pierre lorsqu’il lui faut rembourser Paul ». En temps normal le renouvellement indispensable de la « masse flottante » s’effectue assez facilement, mais il arrive fatalement un moment où ce petit jeu doit s’interrompre et où la difficulté apparaît insurmontable. C’est ce qui se produisit en Allemagne en 1923 et en France en 1926. l’État est alors acculé à la faillite.

En étudiant la situation financière de la France, nous nous rendrons compte facilement des « bienfaits » engendrés par le désordre capitaliste.

La dette publique de la France se divise en dette intérieure et dette extérieure. Nous allons étudier, d’abord qu’elle était au 30 avril 1925 la dette intérieure, nous verrons ensuite qu’elle est sa dette extérieure.