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DEX
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pire une certaine séduction et fait naître un certain esprit de sacrifice. Or, les êtres simples sont facilement influençables et se laissent subjuguer par les actes de courage d’autrui. Le commun ne comprend pas que l’on puisse mourir en se trompant, et leur sympathie est toujours orientée, par sentimentalisme, vers ceux qui souffrent pour une cause, cette cause fût-elle la plus arbitraire, la plus illogique et la plus tyrannique. Il est évident que l’homme qui se sacrifie à ses idées, quelles qu’elles soient, est un homme sincère, et par conséquent respectable et, si l’on ne peut qu’admirer son courage et son abnégation, il faut cependant se garder de s’arrêter à l’acte sans en étudier les causes déterminantes, et les idées qui ont inspiré cet acte.

C’est justement la profonde erreur du peuple de n’étudier les problèmes que superficiellement, et de s’attacher aux individus et non aux principes qui les guident et c’est pourquoi le dévouement fanatique est un facteur de propagande et de recrutement pour les partis en faveur desquels il s’exerce.

Chaque parti, chaque organisation sociale eut à son service des hommes dévoués ; chaque cause a donné naissance à des martyrs. On trouvera dans cette encyclopédie au mot « Attentat », page 184, une liste éloquente des hommes qui se sacrifièrent pour leurs idées, mais tous les hommes dévoués ne sont pas des martyrs ou des héros, et l’on peut servir une cause sans toutefois avoir le tempérament, le courage, la volonté, l’énergie de se livrer à des actes de violence, individuels, contre les institutions ou les individus que l’on combat.

Pourtant il faut s’imprégner de cette idée que si l’on est sincèrement révolutionnaire il faut s’attendre à ce que le dévouement à la cause que l’on défend soit appelé à nous conduire au sacrifice de la vie, car il est impossible de concevoir qu’une révolution puisse être un mouvement pacifiste et qu’une transformation sociale puisse s’effectuer sans effusion de sang.

Il faut donc espérer que lorsque les événements nous conduiront à la lutte et que l’heure sonnera pour tous ceux qui aspirent à un monde meilleur, les dévouements seront nombreux, et que grâce à leur volonté de vaincre et de se libérer à tout jamais de l’oppression et de l’esclavage, les opprimés sortiront victorieux de la bataille qu’ils se doivent de livrer aux exploiteurs et aux tyrans.


DEXTÉRITÉ. n. f. Adresse, habileté à se servir de ses mains. Le jongleur et le prestidigitateur travaillent avec dextérité. Dans les travaux manuels, la dextérité est un appoint précieux, car l’ouvrier qui se sert habilement de ses mains produit parfois de véritables chefs-d’œuvre.

On peut citer comme exemple de dextérité, les travaux exécutés par les dentellières de Valenciennes, du Puy, de Tulle, de Bruges, d’Irlande, etc…, admirables œuvres d’art qui, la plupart du temps ne sont accomplies que par des paysannes maniant l’aiguille ou le crochet, tout en gardant leurs troupeaux. Ce sont de réelles artistes, les dentellières, et pourtant leurs travaux qui se payent des prix exorbitants dans les magasins luxueux des grandes villes, et qui viennent agrémenter les costumes féminins des aristocrates ou les appartements des gens fortunés ne permettent pas à ces malheureuses de vivre. Elles sont honteusement exploitées et leur sort n’est pas plus enviable que celui de tous les travailleurs. Lorsque vieilles et tremblantes, presque aveugles, elles ont usé leurs yeux pour le plaisir des riches, elles sont acculées à la misère, et les chefs-d’œuvre qu’elles exécutèrent durant leur jeunesse ne leur assurent pas le pain pour les vieux jours.

Un jour, peut-être, la dextérité du travailleur lui sera-t-elle utile et comprendra-t-il que si ses mains pro-

duisent de belles choses, la justice la plus élémentaire serait qu’il en profitât aussi.

Au figuré, la dextérité signifie habileté de l’esprit, la faculté de manier des affaires délicates ; elle est utile dans toutes les conditions autant que la dextérité des mains. « Il avait autant d’audace pour exécuter un projet, que de dextérité pour le conduire. » (Voltaire.)


DIABOLIQUE. adj. Qui vient du diable. Des pensées diaboliques, des sensations diaboliques. Se dit pour ce qui est méchant, pernicieux, nuisible, dangereux et qui peut causer du mal. Un caractère diabolique. Un être diabolique est un individu qui cache ses véritables sentiments et qui se présente sous le masque de l’hypocrisie.

Le mot diabolique s’emploie également comme synonyme de pénible, difficile. Un travail diabolique, est un ouvrage qu’il est pénible d’exécuter. Les travaux diaboliques sont nombreux et au premier plan il faut placer celui du mineur qui est obligé d’arracher à la terre la houille qui nous chauffe l’hiver. Le progrès de la science fera disparaître petit à petit les travaux diaboliques, et déjà de nos jours, si les sociétés étaient mieux organisées, et si des intérêts particuliers n’étaient pas en jeu, la houille blanche remplacerait avantageusement la houille noire, sans exposer le travailleur aux coups du grisou ou aux menaces d’éboulements et d’inondations souterraines.

Le capitalisme a vendu son âme au diable, mais la richesse qu’il a reçue en échange n’est que provisoire. Le chemin diabolique tire à sa fin, le capitalisme est en haut de la côte, et bientôt sa chute va se précipiter. Avec lui disparaîtront tous les méfaits, toutes les méchancetés, tout le mal qu’il a causé depuis des siècles, et à la vie diabolique succèdera une vie pleine de joie, de bonheur et d’harmonie.


DIACONESSE. n. f. Veuve ou fille qui, dans l’église primitive, remplissait certaines fonctions ecclésiastiques. On leur confiait plus particulièrement le soin de la nef dont l’espace était réservé aux femmes, et elles étaient les épouses des diacres à l’époque où les papes et les conciles n’avaient pas encore proclamé l’obligation du célibat pour les prêtres.

Lorsque le baptême se donnait par immersion, aux femmes comme aux hommes, ce sont les diaconesses qui baptisaient les femmes et les jeunes filles, les diacres ne pouvant s’acquitter de ces fonctions, sans blesser la pudeur des fidèles. En outre, elles s’occupaient des malades et des prisonniers.

La consécration des diaconesses fut interdite par différents conciles en raison de l’intimité trop étroite qui existait dans certaines églises entre le prêtre et les prêtresses, et aux environs du XIIe et du xiiie siècle, elles furent totalement supprimées.

Les anabaptistes, sectes de protestants, qui prit naissance au xvie siècle et qui soutenait la thèse qu’il ne faut pas baptiser les enfants avant l’âge de raison, chargeaient les femmes de certaines fonctions et eurent des diaconesses ; mais ils furent combattus par les catholiques et les protestants orthodoxes ; leur secte est de nos jours à peu près éteinte et les diaconesses ont disparu. Les femmes n’occupent plus, à présent, de fonctions officielles dans l’église, et celles qui se « dévouent » à la religion n’y jouent qu’un rôle subalterne. Pourtant chez les protestants, et surtout dans l’Armée du Salut, elles se livrent à un travail de propagande formidable et l’influence qu’elles exercent est considérable. Si elles n’ont plus le pouvoir, et ont été obligées d’abandonner les charges qu’elles occupaient, le travail qu’elles accomplissent n’en est pas moins nuisible, et leur action est aussi néfaste que celle des diaconesses du passé.