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dettes tsaristes, etc… A peu près ce qui s’est passé en France, après 1789. Les expropriés ne pardonnent pas aux usurpateurs, et il faut un certain temps à ces deux catégories pour s’entendre… sur le dos du public.

Bref, en tous pays et à toute époque, la dictature n’a été qu’un régime d’autorité comme les autres, se distinguant seulement par plus de brutalité et de violence. Elle est le procédé utilisé par les classes régnantes pour refouler les peuples dans la soumission, lorsque les peuples veulent s’émanciper.

Tant qu’une dictature sera possible, c’est que le peuple ne sera pas mûr pour la liberté ; c’est que la lâcheté et la peur seront encore les déterminantes de l’esprit social.

C’est pourquoi les anarchistes combattent toutes les dictatures, quelles qu’elles soient, et font tous leurs efforts pour détruire l’idée d’autorité dans les cerveaux. — Georges Bastien.


DIEU. n. m. La nature de Dieu et ses rapports avec le monde furent et sont conçus de diverses manières par les différents systèmes philosophiques et religieux. Le concept de Dieu comme Être suprême est commun à presque toutes les religions et à presque tous ces systèmes ; mais cet Être peut être conçu comme créateur du monde (créationnisme) ou comme l’ordonnateur de la matière, existante ab œterno comme lui, et qui, pour ordonner, se sert d’un intermédiaire (demiurgo). Il peut être conçu comme inhérent au monde avec la substance duquel il est indissolublement identifié (panthéisme) ou comme en dehors de l’univers, duquel il est substantiellement distinct ; on peut lui nier toute action sur le monde et sur l’homme (déisme épicurien) et on peut en faire une entité personnelle, intelligente, qui intervient incessamment dans les événements naturels et humains (providence) ; on peut croire en une divinité seule et unique (monothéisme) ou bien en une unique divinité en trois personnes, comme dans le mystère catholique de la Trinité, ou en deux divinités, l’une représentant le principe du bien, l’autre le principe du mal (dualisme, manichéisme) ou en plusieurs divinités pourvues d’attributs divers et disposées hiérarchiquement (polythéisme) ; on peut croire que son existence n’a pas besoin d’être prouvée en tant que le dessein de Dieu est créé avec la nature intelligente, de sorte qu’elle est le fondement de toute autre connaissance (ontologisme), ou on peut estimer le cerveau humain incapable de démontrer cette vérité, qu’il doit recevoir de la révélation (révélationnisme) et de la tradition qui la transmet (traditionalisme) ; ou on peut, au contraire, en démontrer l’existence avec des arguments a priori (ontologiques, idéologiques, moraux) ou avec des arguments a posteriori (métapsychiques, théologiques, cosmologiques).

Il est intéressant d’examiner comment Dieu fut conçu par les principaux philosophes. Pour Platon, c’est l’idée du Bien, l’idée la plus élevée, à laquelle toutes les autres sont subordonnées comme moyen et, partant, la cause finale de tout ce qui peut arriver. Pour Aristote, c’est le premier moteur immobile, qui met en mouvement chaque chose non par impulsion mécanique mais par l’irrésistible attraction de sa beauté ; c’est une activité qui réside purement en elle-même, ou bien la pensée pure, qui ne demande rien d’autre comme objet, mais qui possède un contenu toujours égal : donc la pensée de la pensée. Aristote jette les bases du monothéisme spiritualiste ; puisque Dieu est mis comme Être auto conscient, distinct du monde et comme l’élément immatériel. Pour les stoïques, il est la force originelle universelle, dans laquelle sont contenues et la causalité et la finalité de tout ce qui existe et de tout ce qui peut advenir ; comme force productive et formatrice, Dieu c’est la raison séminale, le principe de la vie, qui se

déroule dans la multiplicité des phénomènes et, dans cette fonction organique, Dieu est aussi la raison qui crée et guide vers un but déterminé. De là, face à tous les processus particuliers, il est la providence souveraine. Dans le néo-platonisme il est l’Être primitif absolument transcendant, l’unité parfaite, supérieure aussi à l’esprit, infini, incompréhensible, inexprimable. Pour saint Augustin, il est l’unité absolue, la vérité qui embrasse tout, l’Être suprême, la suprême beauté, le bien suprême. Pour Scoto Trigena, c’est l’essence substantielle de toutes les choses en tant qu’il possède en lui-même les vraies conditions de l’Être. Pour Nicola Cusano, c’est l’unité de tous les opposés, l’absolue réalité, en qui les possibilités sont réalisées comme telles, pendant que chacun des nombreux finis est seulement possible en soi, et réel seulement pour lui. Dans chacune de ses manifestations, le Deus implicitus unique est aussi le Deus explicitus diffusé dans la multiplicité, le fini et l’infini, le maximum et le minimum. Pour Böhme, c’est le premier principe et la cause du monde lequel n’est que l’essence de Dieu même faite créature ; pareillement pour Giordano Bruno, Dieu est la cause formelle, efficiente et finale de l’univers, l’artiste qui agit sans intervention et qui transforme son intérieur en vie vigoureuse. Pour Descartes c’est « l’ens perfectissimum », l’être infini que l’esprit humain comprend avec une certitude intuitive dans son propre être imparfait et fini. Pour Spinoza, c’est l’essence universelle des choses finies, « l’ens realissimum » possédant une infinité d’attributs, mais qui n’existe que dans les choses comme leur essence générale, et dans lequel toutes les choses existent, comme manières de sa réalité. Pour Malebranche, Dieu c’est le lien des esprits, comme l’espace est le lien des corps ; toute connaissance humaine est une participation à la raison infinie, toutes les idées des choses finies ne sont que déterminations de l’idée de Dieu, tous les désirs tournés à l’individuel ne sont que participations à l’amour de Dieu comme principe de l’être et de la vie. Pour Leibnitz c’est la monade centrale, la monade suprême dans la série ininterrompue qui va des plus simples jusqu’aux esprits et qui, pour cela, représente l’univers en toute la clarté et la distinction. Pour Fichte c’est le Moi universel, absolument libre, l’ordre moral du monde. Pour Schleiermacher, c’est l’identité de la pensée avec l’être ; et qui, comme tel, ne peut être objet ni de la raison théorique, ni de la raison pratique, mais qui, cependant, constitue le but absolu de la pensée. Pour Schelling, c’est la raison absolue ou l’indifférence de nature ou d’esprit, d’objet et de sujet, parce que le principe plus haut ne peut être déterminé ni réellement ni idéalement, et en lui doivent disparaître tous les contrastes. Pour Hegel, c’est l’esprit absolu, l’idée dont les déterminations constituent le développement du monde. — C. Berneri.

Bibliographie. — S. Reinach, Der Ursprung des Gottesidee, 1912. Allen, Grant, The evolution of the idea of God, 1897. J. Alleux, Les preuves de l’existence de Dieu, « Revue néo-scolastique », mai-août 1907. E. Le Roy, Comment se pose le problème de Dieu, « Revue de métaphysique et de morale », juillet 1907. Schiffacher E., L’Idée de Dieu et l’idée du Cosmos, « Revue de philosophie », juin 1907.


DIFFAMATION. n. f. Action de diffamer, de porter atteinte à la réputation de quelqu’un ; décrier, attaquer une personne, par l’écrit, par la parole ; user d’invectives outrageantes, d’expressions méprisantes, d’injures, ne reposant sur aucune raison, sur aucun fait précis, pour nuire à un individu, à un corps, à une organisation quelconque.

La diffamation est un procédé ignoble, abject, qui est employé par tous ceux qui, défendant une mauvaise