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le souvenir d’un autoritarisme étroit, mesquin et brutal, qui coûta la vie à la monarchie et déclencha la révolution de 1848.

Il ne faut pas confondre « doctrinaire » et « doctrinal ». Ce dernier s’emploie surtout pour désigner les conseils, les avis, les jugements des savants sur les questions de morale et de religion.

De nos jours, on se sert parfois du mot doctrinaire pour désigner un homme attaché à une doctrine, et qui la soutient de manière étroite et avec sectarisme.

Adjectivement : Les opinions doctrinaires ; le système doctrinaire.


DOCTRINE. n. f. (du latin doctrina). La doctrine est l’ensemble des connaissances que l’on a acquises. Elle est ce que l’on croit être la théorie, le système, l’opinion philosophique ou social susceptibles de résoudre, au mieux des intérêts de l’humanité, les grands problèmes de la vie.

On distingue plusieurs sortes de doctrines ; mais, idéologiquement, toutes se réclament du même but : le bonheur spirituel, moral et matériel de l’individu. S’échafaudant sur des considérations particulières et sur des principes contraires, il est facile de comprendre que les diverses doctrines qui s’opposent, empruntent, pour atteindre le but poursuivi, des chemins différents, et qu’elles donnent naissance à des antagonismes qui ne s’éteindront que lorsque la sagesse des hommes aura triomphé de l’ignorance et de la bêtise.

Durant les siècles écoulés, les doctrines les plus remarquables furent celles qui traitaient du déisme et interprétaient Dieu de façon différente. Il y aurait peu de choses à en dire du point de vue social, si elles n’avaient jamais débordé des cadres de la philosophie et n’avaient pas servi de tremplin politique pour asservir le peuple. La doctrine chrétienne, qui depuis si longtemps a envahi l’Europe, traîne derrière elle le boulet des crimes monstrueux qu’elle a engendrés, et s’est définitivement disqualifiée aux yeux de tout homme raisonnable et sensé. Il en est de même de toutes les autres doctrines religieuses qui ont été ébranlées par les coups répétés de l’athéisme, et il est probable que, sous le choc des idées nouvelles, elles disparaîtront bientôt totalement de la surface du globe.

Les doctrines religieuses ont cédé la place aux doctrines politiques, qui, à leur tour, se sont emparées des questions relatives au bonheur de la collectivité humaine et cherchent à améliorer le sort et l’existence de l’individu. Nous connaissons les diverses doctrines politiques qui s’opposent, se combattent, et nous savons aussi que les prêtres des nouvelles religions ne sont ni mieux inspirés ni plus sincères que ceux qui les ont précédés. La doctrine démocratique, la doctrine socialiste, collectiviste, communiste autoritaire, nous semblent aussi incapables de résoudre le problème social, que le furent les doctrines religieuses du passé. Nous avons déjà traité, dans cet ouvrage, de la doctrine collectiviste, communiste, démocratique. Nous traitons plus loin des autres doctrines. Pour nous, anarchistes, nous croyons sincèrement et profondément que seul l’anarchisme « peut assurer à chaque individu le maximum de bien-être et de liberté », et c’est pour voir un jour se réaliser cette espérance que nous luttons avec énergie et que nous propageons notre doctrine qui repose sur l’analyse des nécessités et des besoins intellectuels et matériels de l’homme. Elle est pour nous le flambeau qui doit éclairer et éclairera demain une humanité régénérée.


DOCUMENTATION. n. f. (du latin documentatum, renseignement). La documentation est l’action qui consiste à appuyer une affirmation, une déclaration, une assertion sur des documents, des preuves, qui en

rendent la contestation impossible. Pour faire autorité, il faut que l’on ne puisse contester la valeur d’un document, et que celui-ci soit inattaquable ; ce n’est pas toujours le cas, et il arrive souvent que des faits de très haute importance reposent sur des documents dont l’authenticité est douteuse.

Une bonne documentation est une arme terrible contre les adversaires que l’on veut confondre, combattre et abattre, et en conséquence, elle est indispensable à l’anarchiste, au révolutionnaire qui veut transformer la société bourgeoise. Avec un peu de recherche, de travail et de méthode, elle est relativement facile à se procurer.

L’histoire du passé est un formidable monument où nous avons la possibilité de puiser pour nous documenter sur toutes les erreurs qui ont présidé jusqu’à nos jours aux destinées humaines, et si les individus étaient un peu plus courageux, les documents historiques qu’ils pourraient et qu’ils devraient compulser seraient pour eux une preuve indéniable du mensonge social.

Un bon militant doit donc avoir une documentation solide et irréfutable, afin d’avoir la force et la puissance de démontrer la vérité des opinions et des idées qu’il émet et qui reposent sur l’analyse et l’étude des documents qui sont une preuve accablante pour les maîtres, qui, depuis tant de siècles, asservissent la grande majorité des humains.


DIVORCE. n. m. du latin divortium, de divertere, se séparer). Le divorce est la rupture des liens du mariage, légalement effectuée du vivant des époux. On a dit que le divorce était aussi ancien que le mariage lui-même. Voltaire a fait spirituellement observer, qu’il avait dû le suivre de quelques semaines. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une affirmation excessive. Il n’y a pas lieu, en effet, de confondre le divorce avec la répudiation telle qu’elle a été pratiquée, dès la plus haute antiquité, chez tous les peuples de l’Orient, et qui consistait en la faculté, pour le mari, de renvoyer sa femme lorsqu’il la jugeait indigne de partager dorénavant son existence.

Il semble que c’est en Grèce qu’a pris naissance le divorce, avec faculté pour les époux de se séparer d’un commun accord, après qu’un magistrat eût apprécié les motifs de leur détermination.

A Rome, la législation distinguait entre le divorce et la répudiation. Le divorce consistait en la dissolution du mariage par le consentement mutuel de l’homme et de la femme. La répudiation consistait en la dissolution du mariage par l’effet de la volonté d’un seul des conjoints : l’homme ou la femme, indépendamment de la volonté de l’autre. La répudiation de la part de l’épouse était légitimée lorsque le mari était convaincu d’avoir voulu la livrer à la débauche, ou d’avoir fait peser sur elle des accusations d’immoralité non fondées, ou bien encore d’avoir entretenu une concubine. On admettait que l’époux répudiât sa femme au cas d’adultère, d’abandon du domicile conjugal, ou de désobéissance. De part et d’autre, la tentative de meurtre était appréciée comme une raison particulièrement grave.

Ces mœurs, d’origine grecque, et qui consacraient, en même temps qu’un respect marqué de la liberté individuelle, une égalité relative des sexes, furent transportées en Gaule avec l’invasion romaine. Mais elles disparurent devant les exigences de la religion chrétienne, qui, non seulement faisait de la monogamie une obligation, mais encore s’inspirait d’un passage des Évangiles pour fonder le dogme de l’indissolubilité du mariage. Il est écrit, en effet, dans saint Matthieu, au chapitre XIX, que des Pharisiens, ayant demandé à Jésus s’il est permis à un homme de